Rendre les patients acteurs, responsables et autonomes

Intervention du Professeur Thierry Dantoine au Cima 2015

Le Congrès International des Acteurs de l’Accompagnement (CIMA) a eu lieu au Zénith de Limoges les 8, 9 et 10 avril 2015. Il a réuni pour la première fois tous les acteurs internationaux ayant développé des initiatives innovantes en faveur de l’accompagnement. Le congrès a également vocation à valoriser certaines initiatives particulièrement innovantes prises à travers le monde en faveur de l’accompagnement de façon à assurer leur diffusion, leur pérennité et leur reproductibilité. Le congrès s’est ainsi organisé autour de séances plénières abordant l’accompagnement dans une  approche transversale et décloisonnée.

Intervention du Pr. Thierry Dantoine, Professeur de médecine interne gériatrie et biologie du vieillissement à la Faculté de Limoges, enseignant chercheur, chef du service de médecine gériatrique au CHU de Limoges:

« Dans le cadre d’une expérimentation que nous avons démarrée en 2009, je vais essayer de vous montrer comment nous avons abordé la problématique de l’implication et du respect de la personne âgée qui désire bénéficier d’actions de prévention à domicile. La création d’une unité de prévention à domicile sur la thématique de la rupture d’autonomie des personnes âgées était liée à un contexte démographique particulier en Limousin, avec une proportion forte de personnes âgées. Dans ce contexte, nous sommes confrontés, au CHU de Limoges, à des admissions très importantes des plus de 75 ans, à hauteur de 25 % des admissions adultes, alors que la moyenne nationale est à 10 %. Nous rencontrons aussi le problème de la polypathologie en maison de retraite, ce qui nécessitait d’anticiper et de faire de la prévention. Le contexte est aussi celui d’une précarité sociale dans notre région où le revenu moyen est relativement faible.

Le CHU de Limoges s’est adapté en créant des structures assez originales. Nous étions à l’origine des premiers post urgence gériatriques. Nous avions mis en place des équipes mobiles gériatriques dans ces urgences. Nous avions aussi mis en place des unités pilotes dans le domaine du cancer du sujet âgé. Nos réorganisations de l’ensemble de la filière, progressivement depuis 2005, avaient pour but d’anticiper et de prévenir les complications, ainsi que de favoriser au maximum le retour à domicile. En 2014, de nouvelles structures ont été créées, avec un service d’urgence aux personnes âgées, un service d’orthopédie gériatrique et de télémédecine en EHPAD.

Nous étions dans un contexte hospitalo-centré. En tant que gériatres, notre obsession est de favoriser la qualité de vie et le maintien à domicile. Nous avons donc décidé d’intervenir en amont de l’hospitalisation, d’où la création depuis 2009 d’une Unité de Prévention, de Suivi et d’Analyse du VieillissementUPSAV. Ce sont des unités mobiles qui vont à domicile pour la prévention et le suivi mais qui participent aussi à des travaux de recherche.

Fort de cette expérimentation, l’ARS a donc décidé de généraliser cette structure à l’ensemble du territoire du Limousin. Le développement de l’UPSAV s’est basé sur trois aspects cruciaux pour arriver à favoriser la prévention de la perte d’autonomie à domicile :

  • la pluridisciplinarité,
  • l’accompagnement global mais individualisé, et,
  • l’obsession de remettre la personne âgée au centre des préoccupations.

L’unité de prévention est ouverte à l’usager et à sa famille et aux professionnels dès lors que la personne âgée a donné son accord. Dans un premier temps, ce sont un gériatre et une infirmière qui vont à domicile pour faire un premier bilan de santé et d’autonomie relativement exhaustif. En fonction de ce premier bilan, ils pourront faire appel à d’autres professionnels UPSAV – rééducateurs, ergothérapeutes, psychomotriciens – ou recourir à une assistante sociale ou à une psychologue. Cela permet d’obtenir une évaluation exhaustive et participative avec la personne. Par la suite, un plan personnalisé de prévention en soin et autonomie est élaboré avec les professionnels et soumis à l’usager. Il s’ensuit une phase de coordination autour de la personne à domicile avec les acteurs des soins primaires ou les aidants. Le suivi est effectué systématiquement à six mois et un an. Nous suivons actuellement près de 2 000 personnes à domicile.

La nécessité de pluridisciplinarité était évidente et nous a aussi amenés à avoir des collaborations avec des métiers nouveaux pour nous aider à mettre en place des adaptations au domicile, des nouvelles technologies et de faire un suivi et de l’information. Il était important d’arriver à ce que l’UPSAV et les équipes s’intègrent au domicile de la personne.

Un autre fondement de l’UPSAV et de l’accompagnement global individualisé est lié au fait que le vieillissement est très hétérogène avec des états de santé qui sont différents en fonction des personnes. Le parti pris a donc consisté à aller au domicile des personnes pour permettre de répondre au plus près des besoins de cette population. L’obsession de l’UPSAV est de mettre l’usager au centre. Nous nous sommes heurtés aux préjugés de notre société par rapport au fait que les personnes vieillissantes ne peuvent pas avoir le choix, qu’elles ne peuvent pas raisonner, qu’elles ne peuvent pas accepter le changement et les technologies. Or, ces soixante-dix dernières années, nous avons connu un grand nombre d’évolutions technologiques. Les personnes âgées sont donc peut-être à même d’accepter ces changements. En France, nous avons tendance à exclure les sujets âgés dans le milieu hospitalier comme ailleurs. Nous avons dû remettre en question cette approche par rapport aux usagers. Notre démarche a été révolutionnaire, puisque nous étions dans un système où nous commencions à proposer gratuitement une évaluation de la santé au domicile sans passer par l’autorisation du médecin généraliste. Nous avons aussi impliqué les personnes par rapport aux choix et aux possibilités de prévention. Et puis, nous assurons un suivi. L’infirmière coordinatrice détient un rôle important puisqu’elle constate les éléments du plan de prévention qui sont réalisés et ceux qui ne le sont pas.

Pour progresser encore et essayer de mieux collaborer, nous avons mis en place une chaire académique d’excellence à Limoges sur la prévention de la perte d’autonomie des personnes sur leur lieu de vie. »

 

 

 

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