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Discours du Premier ministre à l’occasion de l’inauguration du monument à la mémoire du Corps expéditionnaire russe de la Première guerre mondiale

Discours du Premier ministre à l’occasion de l’inauguration du monument à la mémoire du Corps expéditionnaire russe de la Première guerre mondiale

Monsieur le Premier ministre, Cher Vladimir Poutine,
Mesdames et Messieurs,

Nous voici réunis pour célébrer ce qui est au cœur de l’amitié que se vouent la France et la Russie : leur fraternité d’armes, forgée dans les combats que nos deux nations ont menés ensemble pour la liberté, lors des deux grands conflits du XXe siècle.

Nous connaissons bien l’épopée du régiment Normandie-Niemen qui a vu des aviateurs français engagés sur le front russe aux côtés des militaires soviétiques lors de la Seconde Guerre Mondiale.

Et vous avez honoré cet épisode glorieux, Monsieur le Premier ministre, en inaugurant à Moscou en octobre 2007, avec le président de la République, le monument qui témoigne de la grandeur de ces faits d’armes.

Aujourd’hui, à Paris, c’est avec la même ferveur que nous célébrons une autre page, tout aussi glorieuse mais beaucoup moins connue, de notre histoire commune.

Elle s’est écrite sur la terre de France, pendant la Première Guerre Mondiale, par des soldats russes qui vinrent se battre aux côtés des Français.

Ils furent plus de 20 000, soldats et officiers, choisis parmi les meilleurs. Ils venaient de Moscou, d’Ekaterinbourg ou de Samara. Après un long périple à travers la Sibérie et la Chine, après avoir franchi le Golfe d’Aden et le Canal de Suez, les premiers d’entre eux débarquèrent à Marseille au printemps 1916. D’autres brigades arrivèrent ensuite à Brest et la Rochelle, en provenance d’Arkhangelsk.

Ils défilèrent sous les acclamations des Français, avant de partir pour le front, dans l’un des moments les plus meurtriers de la guerre.

Leur engagement démontrait la fidélité de la Russie à son alliance avec la France. Au nom de cette fidélité, comment ne pas rappeler l’immense sacrifice des troupes russes sur le front de l’est, qui fut pour nos armées alliées un soutien inestimable ?

A leur arrivée, les 20 000 hommes du corps expéditionnaire russe furent rassemblés dans l’Aube où le général Joffre les passa en revue. Ils montèrent en ligne en Champagne à partir de l’été 1916, et en avril 1917 l’ensemble des régiments participa à l’offensive Nivelle. Ils attaquèrent les positions allemandes au nord-ouest de Reims. Ils s’emparèrent de plusieurs sites stratégiques et surent tenir ces positions. Ils capturèrent un millier de prisonniers.

Ils furent ensuite relevés par des unités françaises, après avoir perdu 8 000 hommes, tués, blessés ou disparus.

Pour ces faits d’armes, pour leur héroïsme, les troupes russes furent citées à l’ordre de l’armée.

Mais entre-temps, leur patrie était entrée dans une période de crise et de déchirement. Le Tsar avait abdiqué. La révolution était en marche. Après les attaques du front de Reims, le contingent évacué puis regroupé à l’arrière des lignes se scinda entre communistes et loyalistes, partisans du Gouvernement Kerensky.

Après la prise du pouvoir par les bolcheviks, la plupart d’entre eux fut rapatriée à Odessa en 1919. Mais une poignée de soldats, 400 hommes, décida de rejoindre l’armée française et d’y former une légion russe. Ils s’illustrèrent en 1918 dans les batailles de la Somme et du Chemin des Dames.

Citée deux fois à l’ordre de l’armée, cette petite unité reçu le nom de « Légion russe d’honneur ».
De nos jours, trop peu de nos concitoyens, aussi bien en France qu’en Russie, connaissent cette épopée. Le temps était venu de rendre solennellement hommage au courage de ces soldats, eux qui combattaient en portant le casque français frappé de l’aigle bicéphale.

Beaucoup trouvèrent la mort loin de leur patrie et reposent dans la terre de France qu’ils ont contribué à sauver de l’envahissement.

Sur une proposition de Frédéric Mitterrand, Vladimir Poutine et moi étions convenus à la fin de 2009 d’ériger un monument à leur mémoire avec le soutien de la ville de Paris.

Cette œuvre réalisée par l’artiste russe Vladimir Sourovtsev prend place dans un site qui est depuis longtemps un véritable lieu de mémoire de l’amitié franco-russe.

A quelques mètres, il y a le Pont Alexandre III, dont la première pierre fut posée par le Tsar en 1896, et bientôt sera bâti le Centre culturel et spirituel russe qui se dressera de l’autre côté de la Seine, sur le Quai Branly.

Il y a 95 ans, ici même, devant le Petit et le Grand Palais, un détachement de ce corps expéditionnaire participa au défilé du 14 juillet 1916, et reçut l’hommage fervent de la foule parisienne.

Aujourd’hui, ce monument contribue à rendre à ces hommes la place qu’ils méritent dans notre histoire. Il préserve la mémoire des soldats russes qui payèrent de leur vie leur engagement au service de notre liberté. Ces braves symbolisent notre fraternité d’armes, et au-delà, ils symbolisent, Monsieur le Premier ministre, l’unité retrouvée du continent européen.

Vive la France ! Vive la Russie ! Vive l’amitié franco-russe ! Et vive l’amitié franco-russe.

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