Fondation Partenariale de l'Université de Limoges
       


Pascal Plas, Les hauts lieux de mémoire : La Courtine, Creuse, 1917

Les hauts lieux de mémoire

Mémoire des soldats russes en France

Le cas de La Courtine, Creuse, 1917[1]

Programme de recherche « Monuments et structures du souvenir »

Pascal PLAS, directeur de la Chaire d’excellence Gestion du conflit et de l’après-conflit

Il est un lieu de mémoire en Limousin qui est loin d’être anodin, le site de La Courtine. Ce dernier manque pourtant singulièrement d’une historiographie propre à démêler l’écheveau des instrumentalisations multiples dont il fut l’objet. Les faits matriciels eux-mêmes, qui remontent à la Première guerre mondiale demandent à être établis et explicités. C’est ce que se propose de faire cette communication, premier opus sur les lieux de mémoire atypiques.

Il faut chercher avec attention dans l’excellent Dictionnaire de la grande guerre paru à la veille du 90ème anniversaire de la fin de la Première guerre mondiale pour trouver un article se rapportant aux mutineries des soldats russes du camp de La Courtine en 1917[2]. C’est à l’entrée « Brigade » que l’on doit se référer et, au sein de celle-ci, à la sous-partie « Brigades russes en France et à Salonique [3]». On y trouve toutefois un bon résumé quoi que concis de ce qui se passa en Creuse en 1917 : « Le principe de l’envoi de soldats russes sur le front de France est acquis lors de la mission de Paul Doumer en Russie, à l’automne 1915. En janvier 1916, une première Brigade d’infanterie russe spéciale est mise sur pied, transférée en France via la Sibérie et la voie maritime de Vladivostok à Marseille (…) elle est mise à l’instruction au camp de Mailly [et affectée] sur le front prés d’Auberive, à l’est de Reims (…), s’y révèle une troupe de qualité (combats de Courcy). Les bouleversements de la première révolution russe au printemps 1917 puis la crise des mutineries dans l’armée française, rendent ces soldats suspects aux yeux des autorités françaises. Retirés du front, internés au camp de La Courtine à partir de juin, (…) les soldats russes se divisent entre partisans de la poursuite des combats aux côtés de l’armée française et révoltés souhaitant au plus tôt rentrer chez eux. La répression est sévère (16-18 septembre 1917) et les hommes sont, pour la plupart, soit employés dans des compagnies de travailleurs à l’arrière, soit déportés dans des compagnies agricoles en Afrique du nord. Les derniers représentants des contingents initiaux, reformés à Laval, servent avec la division marocaine au premier semestre 1918, avec l’armée Mangin de juillet à octobre[4] ».

Cette notice serrée, dernier élément d’un vaste ensemble d’écrits sur le sujet aurait pu mettre fin à plus de cinq décennies de débats mais le concept de « répression sévère » évite de revenir sur les chiffres des victimes et sur les polémiques qui en sont nées. Une approche froide de l’évènement donc mais toujours prudente malgré tout…

L’histoire des évènements de La Courtine fut en effet un lent processus de mise en perspective de récits différents, militants et souvent partisans. Dans le même temps, souvenirs et mémoires se multiplièrent, pas toujours intégrés dans les travaux ultérieurs qui furent consacrés aux mutineries.

Revenir sur le dossier c’est donc d’abord établir l’histoire des débats qui l’entourèrent, débats qui n’étaient pas clos au début du XXIème siècle lorsque de plus importants fonds d’archives furent exploitables[5], fond publics et privés dont l’accès fut rendu plus facile[6].

Il n’est pas inutile, de plus, de prendre en considération l’apport de tous les travaux dont on dispose en les croisant plus méthodiquement en particulier de nombreux témoignages passés inaperçus, ce qui permettra, sans revenir en détail sur les mutineries proprement dites de souligner quelques points qui nous semblent bénéficier d’un éclairage nouveau.

I. Retour sur historiographie

Le premier récit des mutineries est probablement celui constitué par le « Rapport » du général Comby, un des acteurs principaux des évènements puisqu’il avait commandé l’offensive contre les mutins, mais ce « Rapport » fut classé comme confidentiel et ne fut redécouvert qu’un demi siècle plus tard[7]. Récit officiel, il n’eut pas, assurément, été exempt de critiques mais il aurait au moins constitué une pièce de base propre à établir un récit matriciel en le recoupant avec d’autres approches comme les reportages de la presse et les mémoires des protagonistes[8]. Cependant, les premiers furent soumis à la censure et disparurent dans les rédactions des quotidiens et les seconds, édités ici et là, souvent dans des conditions de confidentialité, ne fournirent pas de compléments utiles à un dossier qui manqua d’historicisation dès le début, qu’il s’agisse de récits à portée nationale, voire internationale ou de récits locaux, les uns et les autres n’obéissant pas d’ailleurs aux mêmes logiques et n’ayant pas la même portée.

En Union soviétique, autant qu’on puisse remonter le dossier, les références aux mutins de La Courtine apparurent dès 1919. Un premier récit des mutineries fut publié à Moscou en 1919 ; d’emblée la question des pertes y était posée mais la solution retenue restait d’une extrême prudence puisqu’elles étaient estimées « à prés de 600 tués et blessés », formule ambiguë qui indiquait une gêne vis-à-vis du nombre de morts. Au sein des anciens du corps expéditionnaire, Georges Zanotine parlait de « 900 soldats disparus ». Les chiffres étaient moins impressionnants dans l’ouvrage de John Reed qui parût au même moment ; celui-ci, qui avait eu accès à certains documents d’archive pour écrire ses Dix jours qui ébranlèrent le monde, évoque, pour sa part, 200 soldats exécutés[9]. En 1924, le gouvernement soviétique, prudent, considéra que « le chiffre véritable n’a jamais pu être établi ». En France, l’ouvrage de John Reed était alors peu lu et les amateurs d’histoire qui s’intéressaient à cette question disposaient simplement d’un article d’André Obey paru dans La Revue de Paris sous le titre Camarades Rousski, août-septembre 1917 et peu favorable aux révolutionnaires.

Au milieu des années vingt, dans une aire géographique beaucoup plus restreinte, les mutineries russes au camp de La Courtine furent évoquées par le commandant Bareige. Celui-ci revint, pour l’établissement de ses Notices sur la guerre sur « La révolte des troupes russes », titre d’un petit article qu’il fit paraître, en premier, dans le bulletin de la Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse[10]. Il rappela la genèse du camp, son utilisation d’août 1914 à juin 1917 et proposa un récit des évènements qui s’y déroulèrent de juin à décembre 1917 ; il établit alors un bilan de « 9 tués et 46 blessés ». Cette première approche locale d’ « évènements forts graves, tragiques même » ne suscita aucune réaction mais les Mémoires de la Société des sciences ne touchaient alors qu’un public restreint. L’article passa donc inaperçu.

Il n’en fut pas de même en 1934 lorsqu’un journaliste local, Pierre Poitevin, réalisa un « reportage historique » assez remarquable par sa forme et par son thème qu’il publia sous le titre  « Les mutineries de La Courtine » en cinq articles dans le journal de la colonie limousine de Paris Le Limousin de Paris[11] .

L’ensemble devint, par la suite, une brochure publiée à Limoges[12] mais assez largement diffusée dans le vaste réseau de presse qui s’organisait alors autour du quotidien Le Courrier du centre.

Articles et brochures mettaient l’accent sur « l’histoire, celle que l’on ne fait pas en raison de la censure », mais résultaient, aussi, d’une vraie méthode de travail : l’enquête – le recueil des témoignages des protagonistes et observateurs de l’affaire (à l’exception des russes) – l’utilisation de sources – un corpus de notes et de photos qui lui avaient été remises par l’envoyé spécial ayant couvert les évènements, son confrère et ami Gabriel Cluzelaud, auquel s’ajoutaient des archives trouvées ici et là – la contextualisation des faits, l’affaire de La Courtine étant complexe pour des lecteurs des années trente. Il disposait alors pour ce faire d’un premier ouvrage d’histoire important, quoique limité, sur le corps expéditionnaire russe, celui du général Danilov, sorti à Paris en 1933 sous le titre Les régiments russes en France et en Macédoine[13] et des Souvenirs de ma mission en Russie de Joseph Noulens, ambassadeur de France à Pétrograd, qui venaient de sortir[14].

Le travail de Pierre Poitevin, à la différence de ce qui s’était passé dans les années vingt, parût sur fond de débats et de polémiques politiques. La première édition dite « version augmentée » de la série d’articles publiés dans Le Limousin de Paris ne constituait qu’une petite brochure illustrée mais elle fut largement distribuée, en particulier à La Courtine. Elle ne tarda pas à susciter de vives réactions.

L’auteur essuya d’abord les critiques de Charles Steber dans le journal pacifiste La Patrie humaine, lequel dans des articles parus en 1934 et 1935, sous le titre La Saint-Barthélemy anti-marxiste de 1917, Récits des massacres organisés des contingents russes à Brimont et à La Courtine[15], ironisait sur la manière dont Pierre Poitevin avait alors, consciemment ou inconsciemment, véhiculé sans assez de recul les positions de l’Etat Major français. Stigmatisant la couverture de la brochure qui, d’emblée, tentait, selon lui, de « représenter les rebelles comme des bandits de grand chemin[16] », il citait abondamment des mots et des phrases de l’ouvrage qui étayaient sa démonstration de partialité[17]. Surtout, il revenait sur le nombre de morts, ancrant durablement l’idée dans les milieux pacifistes qu’un massacre avait été commis à La Courtine faisant au moins 3000 morts. Pierre Poitevin en mettant en avant des chiffres de quelques dizaines contribuait ainsi, délibérément selon Steber, à masquer la vérité.

Les questions de la répression et du nombre de victimes furent alors abordées en fonction d’un processus d’instrumentalisation propre à servir les intérêts des uns et des autres. Henri Barbusse, dans Ceux qu’on n’a pas domptés avait insisté déjà sur la violence de l’intervention militaire[18]. Charles Steber lui donnait une dimension chiffrée. Les processus mémoriels pacifistes militants se construisirent sur le concept de massacre, quitte à s’appuyer quelquefois sur des formes de sensationnalisme comme cet article de L’Almanach de Police Magazine paru en 1933 qui mettait en avant plusieurs milliers de morts, des « fosses communes » discrètement creusées dans le bois du Feuilladoux, de wagons de chaux vive entrés en gare, chaux destinée à combler « les fosses ou furent alignés  les cadavres[19] ».

Les affirmations des uns et des autres, quelles qu’elles soient, courraient d’autant plus vite et avec plus de force que l’armée ne délivrait aucun chiffre ni dans un sens ni dans l’autre, tenant scellées étroitement les archives du dossier.

En 1938, Pierre Poitevin reprit sa brochure et en fit un ouvrage de plus de deux cents pages, édité chez Payot la même année sous le titre La mutinerie de La Courtine, Les régiments russes révoltés en 1917 au centre de la France[20]. Pierre Poitevin avait alors considérablement augmenté son texte et pu compléter ses sources. Il s’était rendu à la bibliothèque du Musée de la Guerre à Vincennes où il avait eu accès à des publications russes de 1917, 1918 et 1919 émanant des mutinés difficiles à trouver parce que publiés à Moscou. C’est ainsi qu’il eut accès à une brochure « éditée par les bolcheviks » et qui portait le titre Les soldats russes en France, parue en URSS après la guerre[21], à la revue Russkia Viesti pour la période juillet 17-novembre 18[22], à l’édition d’un petit journal édité par les soldats mutinés de La Courtine, Posliedniya Izvestya, et à un ensemble d’archives regroupées dans un dossier portant l’appellation « Proclamations diverses des contingents russes en France lors de la révolution ». A la bibliothèque russe Tourguenev, il put consulter des mémoires de soldats et d’officiers russes ainsi que quelques titres de la presse soviétique[23].

Le livre fut traduit en plusieurs langues et connut un réel succès éditorial. Il fut défendu en Limousin par Raymond d’Etiveaud qui avait alors une chronique littéraire dans La vie Limousine et La Brise. Raymond d’Etiveaud le présentait alors comme l’ouvrage de référence sur la question, celui qui apportait enfin « toutes les précisions nécessaires », Pierre Poitevin s’étant « appliqué à exercer ces vertus de loyauté et de concision auquel notre illustre compatriote, le colonel Ardant du Picq accordait une valeur primordiale. La documentation a été puisée tant dans de nombreux écrits dus à des auteurs russes que dans des pièces officielles et dans les premières notes de Gabriel Cluzelaud, le regretté journaliste limousin qui fut envoyé en mission professionnelle à La Courtine lors des mutineries ».

Mais, en fait, il n’y eut guère de critiques ; l’excès même de la charge antérieure de Charles Steber – plusieurs des paroles attribuées à Pierre Poitevin émanaient en fait d’autres acteurs – contribua à l’absence de polémiques et, dans le même temps, la France bruissait d’autres préoccupations.

La Seconde guerre mondiale mit un terme aux querelles mais les polémiques antérieures rendirent prudents ceux qui tentèrent de reprendre le dossier. Même le très sérieux « Carriat », ce dictionnaire irremplaçable pour l’histoire de la Creuse, avance à pas comptés sur le sujet, rappelant que « les suites de l’émeute et de la répression sont controversées » et qu’André Obey, qui y effectuait alors son service a précisé que « les imaginations l’ont transformé en je ne sais quelle sombre tragédie », lui même prenant comme exemple des « imaginations » Charles Steber « qui prétend que 3000 russes auraient par la suite été exterminés [24]»…

Peu d’ouvrages se rapportant au sujet en tout ou en partie, de mémoires et de souvenirs parurent au cours des années quarante à soixante. En 1942, le docteur Léon Wéber-Bauler, médecin militaire attaché aux brigades russes de 1916 à 1918, fit paraître des souvenirs, De Russie en Occident, Echos d’une vie[25], ouvrage dans lequel se lisait surtout toute la souffrance des soldats russes tant au moment de leur transport que de leur engagement sur le front de Champagne. Les lecteurs français purent se procurer Ma vie, de Léon Trotsky paru chez Gallimard en 1953 mais le destin du corps expéditionnaire russe en France n’en était pas l’élément essentiel. Le témoignage de Wladimir Rychlinski, Mes souvenirs avec le 2ème Régiment du corps expéditionnaire russe en France, 1915-1916, rédigé par à-coups entre les années vingt et les années soixante ne fut jamais publié[26] à la différence de celui d’Ossip Pernikoff, Ma vie est une chance, paru en 1953[27] et qui apportait du neuf quand à l’impact de la première révolution sur les soldats russes en France. En 1957 le journal communiste L’Echo consacra une série d’articles à « La 1ère Brigade spéciale de Moscou » à l’occasion du 40ème anniversaire de la révolution russe. On y trouvait de nombreux témoignages d’habitants de La Courtine qui avaient connus la plupart des mutins et en avaient gardé un bon souvenir ; sur le fond, l’article n’apportait rien sinon une référence à un texte d’Ivan Boïko, extrait de la revue Etudes soviétiques de novembre 1956 qui décrivait la liesse des marseillais à l’arrivée des troupes russes en France. En 1978, parut l’ouvrage de Rodion Iakovliévitch Malinovski, un des mutins de La Courtine, sous le titre Soldaty Rossii, mais outre le fait qu’il s’agissait d’une autobiographie romancée, il n’y eut pas de traduction[28]. Ce livre clôturait la décennie 70 qui avait aussi vu éclore un article polémique d’A. Ranvart dans Le Peuple français, revue d’histoire populaire[29], et deux premiers travaux universitaires, l’un, modeste, en l’occurrence un mémoire de maîtrise soutenu à l’Université de Paris I sous le titre Les troupes russes en France pendant la Première guerre mondiale, qui ne donna lieu à aucune publication même partielle[30], l’autre, partiel mais assez novateur, résultant d’une communication, en 1974, à un colloque international d’histoire militaire, consacré au Recrutement et moral des troupes russes en France, 1917-1919, s’appuyant sur le dépouillement des archives du contrôle postal à Bordeaux et qui remet en avant dans les causes de la mutinerie le poids des pertes subies au front et le dégoût de la guerre, ce qui replace cette mutinerie de La Courtine dans le vaste ensemble des mutineries de 17[31].

Il fallut attendre les années 80 pour retrouver des références livresques importantes se rapportant au dossier. Localement, en 1984, Laurent-Yves Giloux publia dans le bulletin de la SSNAC une étude sur « Le corps expéditionnaire russe en France pendant la Première guerre mondiale et la mutinerie au camp de La Courtine[32] ». Cet article rompait avec les études antérieures par la qualité de l’analyse et le nombre de sources utilisées dont certaines difficiles d’accès. En plus d’apporter de nombreux éléments neufs, l’auteur mettait bien en perspective la question du bilan : « choisir entre 9 morts et 2000, l’écart est tel qu’il est impossible de considérer aucun de ces deux chiffres comme exact. La méthode qui consiste à prendre des hommes du corps expéditionnaire avant les journées du 16 au 18 septembre et de le comparer avec les chiffres dont on dispose après la répression, peut nous aider à mieux cerner l’inconnue essentielle dans cet épisode : combien de morts ? ». Il tentait alors une comptabilité avec les moyens dont il disposait et aboutissait à « un manque » de 600 hommes mais on sent dans son article son insatisfaction, en particulier en raison des chiffres de départ se rapportant aux soldats russes dans le camp dont il dispose et qui sont très divers selon la source[33]. Cet écrit eut une certaine influence sur des histoires locales plus générales qui furent écrites par la suite comme L’Histoire du Limousin contemporain de Georges Dauger et Daniel Dayen[34]. Elle ne suscita pas par ailleurs de réactions particulières. Ceux-ci pouvaient disposer en outre d’un mémoire de l’Université des Sciences sociales de Grenoble II soutenu par Rémi Adam à partir, à nouveau, des archives du contrôle postal, travail qui approfondissait le précédent (celui du colloque de Montpellier) par l’utilisation d’un nombre très important de lettres de soldats russes.

Dans les années 90, deux historiographies antagonistes s’affrontèrent ; les principaux auteurs revenant sur cette question avec des positions totalement différentes furent Rémi Adam et Jamie Cockfield. Le premier, dans Les damnés de la guerre, Histoire des soldats russes en France, 1915-1920[35], paru en 1996 et qui était la version imprimée de sa thèse prit parti pour les mutins, le second dans un ouvrage paru deux ans plus tard, With snow on their boots, The tragic odyssey of the Russian expéditionnary force in France during World War I[36], semblait plutôt opposé aux soldats révoltés. Il est intéressant de voir que dans la querelle intellectuelle qui opposa les deux auteurs, Jamie Cockfield fut accusé d’en revenir aux thèses de Pierre Poitevin ; la boucle était bouclée.

Les deux ouvrages tranchaient sur l’historiographie antérieure, celui de Rémy Adam en particulier qui avait eu accès aux archives du SHAT et au fond important constitué par les papiers des officiers du corps expéditionnaire russe qui se trouvait à la Butler Library à New York. Rémi Adam proposait un nouveau bilan : « l’imprécision et l’incohérence manifestes de certaines données laissent envisager la disparition de centaines de soldats au cours des combats. Il semble cependant que la vérité soit en deçà d’une centaine de victimes. Une partie des soldats qui ne s’étaient pas rendus le 17 septembre avaient trouvé refuge dans les bâtiments, voire les caves du camp[37] ». Cette thèse fut reprise localement en 1998 par Georges Dauger dans une communication parue à Limoges sous le titre La rébellion des régiments russes en 1917 (La Courtine-Felletin)[38]. L’auteur estimait que le travail de Rémi Adam était l’approche « de niveau universitaire » manquant jusqu’à présent et proposait de reconsidérer le bilan à l’aune de celui-ci… tout en proposant une fourchette : « le nombre des morts lors de l’attaque des rebelles du camp de La Courtine en 1917 paraît se situer dans une fourchette comprise entre un peu moins d’une centaine (estimation de Rémi Adam) et 300 (opinion du maréchal Malinovski, souvent retenue) ».

Au plan local, au même moment, la parution d’un ouvrage portant le titre de Petite encyclopédie des Pays de France suscita des réactions en pays creusois ; il y était affirmé que les habitants d’Aubusson avaient été, en 1917, « absolument effarés de voir arriver jusqu’à Aubusson des cavaliers russes complètement nus et ivres ». René Paquet réagit vivement à « cette information fantaisiste et probablement pas innocente » en publiant dans le Bulletin de l’Association Maurice Dayras une mise au point portant le titre « Soldats russes à Aubusson en 1917 [39]». Après avoir fait un rappel des évènements et donné de vivants témoignages de locaux, il dressa un bilan en demi-teinte : « le bilan officiel fit état de onze tués, dix russes et un français (…) un tel bilan pris au sérieux aurait été une preuve de l’inefficacité de l’obus de 75. De sources variées et dignes de foi les pertes des assiégés se chiffrèrent à plusieurs centaines[40] »…

Depuis le début du XXIème siècle deux ouvrages sont revenus sur les mutineries de La Courtine, en partie ou en tout.

Le premier est intéressant dans la mesure où il s’agit d’un ouvrage d’histoire militaire édité à Saint-Maixent-l’École en 2001[41]. Au sein d’une approche très fouillée et très documentée de l’histoire du camp, on trouve, page 59, une partie portant le titre « 1916-1917, Une drôle de guerre à La Courtine ». Le texte s’efforce à une certaine impartialité même si l’on y retrouve de vieux clichés et propose une analyse originale pour ce qui est du bilan alors que « la polémique sur le nombre de morts parmi les troupes russes n’a toujours pas cessé » et que «  les supputations vont toujours bon train » : « en règle générale, le nombre de blessés est cinq fois supérieur au nombre de tués. Or il y a eu semble t il quarante neuf blessés ! Ces chiffres laissent supposer que les neuf morts officiels sont plus proches de la réalité… ».

Le second correspond au dernier travail de Rémi Adam paru en 2007 sous le titre 1917, la révolte des soldats russes en France[42] ; l’auteur ne cache pas un certain parti pris[43] mais il propose une analyse assez neuve et bien documentée. Il revient lui aussi sur la question du bilan soulignant combien « les écarts impressionnant reflètent l’imprécision et l’incohérence des données d’archives ». « Grâce aux données établies, écrit il, il devrait être possible de mesurer les pertes exactes de mutins » or, souligne-t-il fort à propos il existe, à la source, déjà, des divergences sur les chiffres de base à prendre en considération, tant ceux des russes présents à La Courtine que ceux qui furent ensuite répartis ici et là. Il propose cependant un calcul, probablement le plus étayé eu égard aux chiffres dont on disposait jusque là, qui aboutit au résultat suivant : « le nombre officiel de victimes donné par le général Comby puis par le Gouvernement provisoire est par conséquent sinon conforme du moins proche des données d’archives : la marge d’incertitude est de quelques dizaines ». On en revient donc pratiquement à la « case départ », soit huit morts et 44 blessés auxquels il faut inclure la marge des quelques dizaines proposée par l’auteur ce qui conduirait à un total d’une cinquantaine de victimes soit la conclusion de l’enquête sur la recherche des corps menée en 1919-20.

Quoi qu’il en soit, le nombre des blessés russes qui tous furent soignés ici ou là en particulier à l’hôpital d’Ussel n’est guère contestable mais tant qu’aucun registre ou, à défaut aucune liste des morts n’existera, les spéculations seront ouvertes.

II. L’apport général de neuf décennies d’écrits et de recherches

 Les grandes lignes des évènements dont le qualificatifs même varie aujourd’hui – mutinerie, rébellion, révolte – sont connues, aussi nous n’y reviendrons pas sauf pour préciser certains aspects comme l’état des troupes russes engagées aux combats au printemps 17 et les conséquences de ceux-ci, les rapports entre les soldats russes et la population à La Courtine, le déroulement de l’offensive « interne » au camp.

En décembre 1915, Paul Doumer s’était rendu à Petrograd pour demander des hommes à un pays que la France estimait être un allié de poids ; ces militaires étaient destinés à combler les vides du front après les saignées qu’avaient produits les premières années du conflit[44]. Les autorités russes, quoique désireuses d’aboutir à un accord, ne purent cependant répondre à cette demande que de façon extrêmement partielle dans la mesure où l’armée était en voie d’implosion. Au total ce furent donc quatre brigades qui furent fournies, deux devant être positionnées sur le front ouest et dénommées 1ère et 3ème, chacune comptant environ 10 000 hommes, deux devant être envoyées à Salonique.

Ce qui ressort clairement de tous les documents dont on dispose maintenant c’est le fait que les soldats russes destinés à la France furent, dès leur départ, placés dans une situation de souffrance et connurent, au front, un baptême du feu terrible qui laissa des traces durables. Par ailleurs et contrairement à ce qui avait été affirmé pendant longtemps, la Révolution russe eut, certes, un impact sur la troupe mais celle-ci resta loyaliste pratiquement jusqu’à son transfert à La Courtine n’exigeant son rapatriement qu’après les dernières offensives auxquelles elle devait participer.

Ces troupes étaient loin d’être des éléments de choc contrairement à ce que la propagande put dire d’elles[45]. Elles ne semblaient guère, pour certaines d’entre elles, avoir été confrontées à l’expérience de la guerre et, en avril 1916, lorsque les soldats de la 1ère Brigade furent débarqués dans le port de Marseille, les soldats étaient littéralement épuisés en raison d’un acheminement particulièrement long et pénible[46] ; une certaine grogne régnait dans les rangs vis-à-vis des officiers qui, tous, appartenaient ou étaient liés à l’aristocratie russe et, imprégnés des comportements de celle-ci,   faisaient régner une discipline de fer, usant et abusant pour cela des châtiments corporels[47]. Cet antagonisme initial eut d’importantes conséquences pour la suite des évènements.

A la fin de l’été 1916, les soldats furent intégrés dans l’organigramme remanié du commandement russe en France[48] puis elles furent regroupées au camp de Mailly pour y subir un entraînement en présence d’officiers français[49]. Ce temps de préparation n’était en rien à même de les préparer à ce qui allait suivre. Elles furent en effet engagées à la fin de l’été sur le front dans le secteur d’Auberive et y subirent immédiatement des pertes importantes puis elles furent lancées dans la grande offensive d’avril 1917 au cœur du dispositif d’attaque dans les secteurs du Mont Spin et du fort de Brimont. Le nombre de morts se chiffra alors en millier ce dont ne se remirent jamais totalement les soldats restants, ceux-ci s’interrogeant par ailleurs sur la stratégie des généraux français qui, depuis mars, semblaient se méfier des conséquences de la Révolution de février sur les brigades russes au front.

Les évènements qui se déroulèrent en Russie en 1917 – révolution, formation du premier Gouvernement provisoire le 15 mars, abdication de Nicolas II le 16 – étaient censés ne pas affecter, dans un premier temps, la présence et la mission du corps expéditionnaire russe en France. Le Gouvernement provisoire nomma de nouveaux représentants et donna des consignes de démocratisation de l’armée mais sans que cela ne doive affecter l’ordre militaire. Les soldats cependant comprirent peu à peu, en fonction des informations dont ils disposaient, que la Révolution était plus complexe qu’on ne le leur disait. Ils apprirent ainsi, avec environ trois semaines de décalage, qu’il y avait dans cette révolution des bolcheviks et la manière dont ils se positionnaient en Russie[50]. Mais pour l’heure, les soldats appréciaient le Prikase 1 – ordre du jour aux armées – qui introduisait d’importants changements sur la relation de la troupe à ses officiers : fin du salut en dehors du service et, surtout, des mauvais traitements, participation démocratique des soldats devenus « soldats-citoyens » aux discussions politiques et élection de comités de représentants dans toutes les unités.

Jusqu’en avril 1917 la plus grande partie des soldats resta plutôt fidèle à ses officiers lesquels se mirent au service du Gouvernement provisoire, même si l’autorité de ces derniers resta sérieusement entamée. Toutes les thèses tendant à dire que les soldats ne voulaient plus aller au front et même auraient pactisé avec l’ennemi sont donc fausses. Assez vite naquirent des soviets dont un au sein de la 1ère Brigade dans le 1er Régiment mais leur action fut surtout orientée vers une tentative de canalisation des désirs de retours en Russie « pour aider la révolution » sans que cela n’obère l’acceptation – obtenue néanmoins après une discussion serrée – de participer à une dernière offensive, celle d’avril, avant d’exiger le rapatriement.

Après le carnage des attaques d’avril 1917[51], les Russes quittèrent le front et furent envoyés dans le secteur d’Epernay où les cantonnements, par précaution, avaient été fractionnés… Les archives montrent des directives en ce sens et la tension qui se développe dans la troupe, en particulier le désir de ne plus revenir au front et d’être envoyé dans un camp à l’arrière. De l’avis de tous les chercheurs ainsi que des témoins, le 1er mai 1917 constitue alors la journée de rupture ; les soldats confectionnèrent des drapeaux rouges qu’ils agitèrent lorsque le représentant du Gouvernement provisoire vint s’adresser à eux. Si une date est à retenir comme point de départ d’une « contagion révolutionnaire », c’est probablement celle-là. Le 14 mai, parût dans le journal Golos Pravdy le premier texte qui demandait aux soldats russes de France de s’organiser[52] . Dès lors les comités de soldats se développèrent de manière spontanée au sein de la troupe ; la majorité d’entre eux restait légaliste et mettait l’accent sur l’encadrement culturel et l’utilisation des nouvelles libertés laissées aux troupes mais d’autres étaient plus politiques et travaillaient la base électorale, demandant une rotation permanente des représentants et, surtout, l’accélération des demandes de rapatriements.

C’est alors que l’Etat major, inquiet de l’évolution de la situation dans un climat de mutineries générales au lendemain des offensives de 1917[53], décida de déplacer les Russes autour de Neufchâteau et de les isoler ainsi du reste des armées ; la solution de l’isolement était considérée au 22 mai comme la meilleure après qu’on eut envisagé un transfert à Salonique, un rapatriement pur et simple ou un « matage » violent. Mais l’isolement hors de la zone des armées ne résolut rien, les soldats répartis dans plusieurs camps, contestaient les ordres des officiers russes à qui ils ne faisaient plus confiance et qu’ils assimilaient à l’Ancien régime, les discussions politiques se multipliaient. Ce qui fut considéré comme un délitement général, conduisit, fin juin, à un transfert des brigades russes loin du front, dans le centre de la France, au camp de La Courtine.

Archives et témoignages disponibles fournissent quelques éléments intéressants sur les acteurs du drame qui se joua à La Courtine à la fin de l’été 1917 et sur la manière dont les opérations furent menées. Il est clair désormais que pour l’Etat major français cette affaire fut, dès le départ, considérée comme un « problème russo-russe » dans lequel la France ne devait intervenir qu’en dernier ressort. Lors même des heurts qui se produisirent une fois que le processus de négociation se fut révélé impossible, ce furent des troupes russes « loyalistes » qui se retrouvèrent face à leurs camarades mutinés, l’armée française fournissant un appui logistique et surveillant étroitement l’offensive.

Le camp de La Courtine avait été conçu pour être un camp de manœuvres devant servir à l’instruction des troupes de toutes armes à hauteur de 12 000 hommes et 1 200 chevaux ; il couvrait donc une superficie considérable, plus de 6 000 ha s’étendant sur neuf communes[54]. Les troupes russes y arrivèrent le 26 juin et y furent logées selon toutes les possibilités alors disponibles, elles étaient en effet très nombreuses, plus de 16 000 hommes et officiers. Les soldats avaient leurs armes et leurs munitions : fusil Lebel, fusil mitrailleur, mitrailleuses, canons de 37 et mortiers de tranchées.

L’impact de l’arrivée des deux brigades russes sur la population locale doit être reconsidéré. Les relations ont été souvent décrites comme conflictuelles, il semble que ce fut plutôt la peur de la « contagion révolutionnaire » qui conduisit les autorités françaises à mettre en avant divers délits qui ne furent jamais établis. Manifestement, un certain nombre de bruits fantaisistes étaient véhiculés, dans les bourgs et villages, quand au comportement supposé violent des Russes ; Marie-Antoinette Delarbre en donne un excellent témoignage : « J’ai vu à Aubusson pendant deux à trois mois au cours de l’été 1917 beaucoup de soldats russes vêtus de leur uniforme couleur un peu réséda (…) Ayant appris que les soldats russes cantonnaient à la courtine [mon vieux voisin, le père Mascara] nous avait complètement affolé les jeunes du quartier Saint Nicolas en nous racontant que ces sauvages avaient violé, par groupe de vingt, toutes les bergères à dix kilomètres à la ronde à La Courtine. D’ailleurs, disait il, c’était pas des européens mais tous des chinois (…) aussi mes copines et moi étions nous assez terrorisées et n’osions guère sortir… Lorsqu’ils ont commencé à déambuler dans Aubusson nous avons été assez étonné de constater que ces chinois étaient en majorité blonds, grands, avec des yeux bleus. Et notre curiosité fut plutôt touchées lorsque certains d’entre eux se mettaient en petit groupe sur quelques marches d’escaliers et chantaient à plusieurs voix en s’accompagnant parfois d’un accordéon. Et jamais personne n’entendit parler de sévismes sur personne…[55] ». Selon Pierre Poitevin, le général Comby aurait reçu du général Foch, à la suite de différents rapports, la recommandation de «  se mêler (des) affaires russes », ce qui l’aurait conduit à prendre « les premières mesures d’ordre (…) pour empêcher les soldats de sortir du camp afin de mettre un terme aux méfaits qu’ils commettaient dans les localités des environ[56] ». Ces « méfaits » ne sont pas avérés et rien ne montre que les relations avec la population locale n’aient pas été bonnes à l’exception de quelques rixes d’après boisson. Les Russes fréquentaient les commerces locaux qui profitaient largement de cette manne nouvelle, ils avaient des contacts avec les paysans et les jeunes Creusois les visitaient. Les permissionnaires toutefois étaient plus nuancés quand à l’attitude à adopter vis-à-vis de ces nouveaux venus, « l’évènement qui avait motivé leur retrait du front, leur transfert dans notre région, alimentait les conversations de certains adultes et particulièrement les permissionnaires. C’est ainsi que parmi nos voisins se dessinaient deux façons de voir. Les uns, las de cette guerre meurtrière, proclamaient « on devrait tous faire comme eux », les autres, aussi las que les premiers disaient « c’est tous des fainéants, ils nous ont abandonné, faut qu’on fasse le boulot à leur place[57] ».

Quoi qu’il en soit, pour le général Comby les russes devaient être cantonnés aux espaces qui leur avaient été affectés et en sortir le moins possible ; il prit donc des dispositions dans ce sens qui lui parurent d’autant plus nécessaires que le corps expéditionnaire se fractionnait en deux ensembles.

Le différend entre la 1ère Brigade et la 3ème Brigade se mit en place de manière plus complexe que ne le disait Pierre Poitevin. Lorsque, le 5 juillet, les Comités de soldats de la 1ère Brigade organisèrent une première assemblée générale, sur les 5000 hommes présents, il y eut plusieurs centaines de soldats de la 3ème Brigade. La proclamation qui fut adoptée rendait compte, avant tout, de deux revendications essentielles : la fin des mauvais traitements et le rapatriement ; la plupart des soldats y adhérait.

Certes, les incidents entre les hommes des deux formations se multiplièrent et prirent une ampleur disproportionnée, mais il s’agissait avant tout d’actes de refus de sujétion aux officiers qui émanaient surtout de soldats de la 1ère Brigade mais qui se manifestaient à l’encontre des gradés des deux brigades. En fait, à ce moment, les hommes de la 3ème Brigade restaient obéissants à leurs officiers parce qu’ils avaient considérablement assoupli le règlement ; les soldats de la 1ère Brigade avaient mis les leurs à l’écart… Dès lors la 3ème Brigade apparût comme loyaliste dans la mesure où son Etat-major avait l’intention de continuer à se battre sur le front français tandis que la 1ère Brigade exigeait le retour en Russie et ne voulait plus se battre en France.

On sait que la 3ème Brigade finit par quitter le camp avec 500 hommes issus de la première – mais environ le même nombre de la 3ème décida de rester – le 8 juillet ; ce qui apparaît désormais avec plus de force c’est qu’elle ne partit pas de son propre chef, comme l’affirmait Pierre Poitevin. En fait les archives montrent assez clairement qu’elle quitta le camp sur les ordres du Général Zankèvitch[58] et avec l’accord du Général Comby qui, précédemment l’avait déjà installé dans le camp à l’écart de la première. Elle s’installa d’abord à proximité au hameau de Maindrin, à huit kilomètres de La Courtine puis, malgré l’interdiction qui lui en était faîte, le 11 juillet 1917, dans la lande de Charrasse, prés du château de Verminier, à proximité de Felletin.

L’Etat-major français concentra alors son attention sur le camp lui-même et renforça le dispositif militaire de surveillance[59]. Les Russes restés au camp étaient considérés comme gagnés au bolchevisme puis ouvertement mutinés sous la direction d’un chef qu’ils s’étaient choisis, le soldat Globa. Ils furent alors encerclés et surveillés sans que le contact ne fût rompu, le général Comby espérant toujours les convaincre de se rendre.

On ne reviendra pas sur ce moment particulier de l’été au cours duquel les mutins s’organisent à l’intérieur d’une sorte de cordon sanitaire français. Pierre Poitevin en a donné un bon récit[60] que confirment plusieurs sources. Ce texte rend assez bien compte dans ses grandes lignes d’une situation qui s’enkyste, inquiète les autorités locales[61] et dont le dénouement ne peut se faire in situ.

L’Etat-major français modifia sa stratégie. A Paris, on considéra, dans un premier temps, que Moscou devait intervenir plus fermement pour régler cette situation inédite. Une pression énergique fut faite sur la Russie et Kérensky décida d’envoyer à La Courtine le général Zankévitch, représentant le Gouvernement provisoire, le haut-commissaire Svatikoff et le délégué du ministre de la Guerre de Russie, Rapp. Ils devaient convaincre l’ensemble des troupes russes de rester loyales au Gouvernement provisoire et de poursuivre leur mission en France. Ils arrivèrent le 17 juillet et prirent la parole à 11 heures. On sait ce qu’il en advint[62].

Le gouvernement français souhaitait alors un rapatriement des troupes russes[63]. On mesure bien désormais ce que furent les démarches accomplies dans ce sens et la manière dont elles échouèrent. Le général Foch fit savoir le 24 juillet 1917 au président du Conseil qu’il était « indispensable pour des raisons disciplinaires (…) que le départ de la première brigade ne soit pas différé[64] ». Le ministère des Transports était à même alors de fournir des bateaux pour Arkhangelsk propres à rapatrier au moins 6000 hommes[65]. Mais le Gouvernement provisoire ne souhaitait pas recevoir les soldats russes, il usa de prétextes divers[66] avant de décider de régler la question d’abord sur le sol français « par les mesures les plus énergiques, ne s’arrêtant pas devant l’emploi de la force armée, en se basant sur les règlements concernant les tribunaux militaires révolutionnaires qui viennent d’être créés et qui autorisent la peine de mort[67] ».

Les Russes furent dès lors invités à régler le « problème » mais, dans cette attente, le ministre de la Guerre, Paul Painlevé et le général Vidalon, chef d’Etat-major de l’armée, arrivés de Paris, prirent des mesures pour un règlement militaire à La Courtine[68]. Dans le même temps, sur décision de l’Etat-major russe en France, les troupes russes de la 3ème Brigade étaient éloignées au camp de Courneau dans la Gironde[69]. Un règlement militaire de la question semblait inévitable, les formes n’en étaient guère définies mais la mise en place d’une stratégie se fit selon le même schéma que précédemment, c’est-à-dire avec l’idée qu’il fallait que ce soit des troupes russes qui ramènent en leur sein les mutins du camp.

Le face à face entre les « belligérants » met effectivement en action des troupes russes prélevées dans le sud de la France et les troupes russes de la 3ème Brigade[70]. Son déroulement est mieux connu grâce à l’accès au « Rapport secret » du général Comby sur « Les opérations de La Courtine »[71] et à divers témoignages remis en perspective. On découvre dans le « Rapport » la mise en place d’un plan d’envergure plaçant en avant les troupes russes « loyalistes » et en appui les troupes françaises situées en retrait. Le général Comby, le 13 septembre, avait établi son quartier général à Ussel et son poste de commandement à La Courtine. « Le village de La Courtine est évacué, écrit il, par la population civile (femmes, enfants, vieillards), après entente entre l’autorité militaire et l’autorité administrative. Une garde civique est maintenue pour le gardiennage des maisons ». Le général attendait là « du général commandant [les troupes russes] l’ordre fixant les emplacements qu’elles doivent occuper dans la journée du 14 ». Cet ordre d’opération arriva à 23 heures trente avec « un exemplaire de l’ultimatum qui sera notifié (…) aux troupes rebelles ». Dans cet ultimatum «  le général Zankévitch agissant au nom du Gouvernement provisoire, enjoint aux rebelles de déposer les armes et de se soumettre ». Le délai courrait jusqu’au 16 septembre à 10 heures du matin.

Pendant ce temps les mutins étaient encerclés, des tranchées creusées, de l’artillerie installée. Pour faire bonne mesure, en plus des troupes françaises locales, s’ajoutent des éléments du 19ème d’infanterie et un régiment de dragons rappelé du front.

A partir du 14 septembre existait à La Courtine une situation de guerre en fait : un blocus des hommes et des vivres et « La parole fut donnée au canon », écrivait Pierre Poitevin, qui reprenait ici les notes de Gabriel Cluzelaud quand au bombardement. Les pièces d’artillerie installées sur les collines au sud du camp, quatre canons à la côte 795 prés de la route de La Courtine à Saint Rémy, deux à quelques centaines de mètres du village du Couderc, quatre bataillons d’infanterie et deux bataillons de mitrailleuses russes soit environ 2 500 hommes formaient une sorte de tenaille dans l’attente du déclenchement des opérations.

« Les derniers mouvements s’achevaient, écrit Pierre Poitevin citant Gabriel Cluzelaud dont le récit ne manque pas d’haleine, bientôt dix heures… dix heures, dans l’espace sur nos têtes passa l’acier dont le crissement formidable déchira le ciel ; par quatre fois successives l’aboiement clair du 75 se répercuta. Nos regards fouillaient l’horizon, inquiets, nous prêtions l’oreille. Un panache de poussière s’éleva de la butte faisant écran sur le fond du camp puis les accents d’une musique organisée par les Russes s’élevèrent et des hourras retentirent. Le premier coup avait été tiré à blanc par les canonniers russes, les trois autres partis simultanément envoyèrent leur mitraille meurtrière. Aux coups de canons envoyés sur le camp, les mutins répondirent en jouant et en chantant La Marseillaise puis la Marche funèbre de Chopin, qu’ils faisaient entendre comme une clameur de protestation et de dédain. A ces bruits de cuivres de l’orchestre et ces voix des rebelles, ne succéda aucune des manifestations que l’on pouvait craindre. Aucune réplique avec les armes, aucune tentative de sortie du camp ne fut esquissée. L’ordre était donné : Restez en place ! Par le chef des soviets. Les canons venaient à faire œuvre d’avertissement et avaient épargné les bâtiments, l’on put escompter qu’il n’y avait ni morts ni blessés. Mais peu nombreux furent ceux qui firent leur soumission ». On sait aujourd’hui grâce aux papiers du SHAT qu’ils furent environ 200. On dispose du témoignage de Georges Zamotine pour ce qui concerne les mutins à l’issue de la première charge, « nous sommes restés sur la place, dit-il, notre président Globa nous a ordonné de jouer de la musique sur la place de l’Etat-major ». Les soldats encerclés semblent avoir été étonnés croyant jusqu’au bout semble-t-il qu’il pourrait y avoir un revirement de la part de leurs camarades de la 3ème[72].

« Le canon tonna (dès lors) d’heure en heure, donnant, entre chacune de ses interventions, le temps aux mutins de réfléchir et de revenir aux devoirs » observe Gabriel Cluzelaud mais il y eut cette fois des dégâts important dans le camp assiégé ; deux musiciens russes au moins furent touchés par un obus, cinq autres se seraient écroulés et plusieurs blessés furent évacués vers l’hôpital d’Ussel. Le canon tonna ensuite de quart d’heure en quart d’heure en espérant une reddition rapide mais… les mutins refusèrent de se rendre et ripostèrent.

Le combat dura deux jours. A l’issue du premier, un premier mouvement de reddition eut lieu[73] mais la canonnade reprit au cours de la nuit. Les plus récalcitrants des rebelles s’étaient retranchés dans le mess des officiers et dans l’hôpital ; l’artillerie tirait presque continuellement[74]. Il semble que, dans la journée du 18, Globa ait lancé, au nom du Comité, un appel au cessez le feu ; le texte en a été retrouvé dans les archives militaires de Russie « nous avons beaucoup de blessés qui ne reçoivent aucun soin. On meurt parce que nous n’avons pas de médecin que voulez vous encore ? Cessez le feu, allez, prenez nos fusils ou faites savoir où nous pouvons les déposer. Nous vous prions de nous laisser au camp et de ne pas nous disperser ; allez, donnez votre réponse ! [75]». Dans la nuit du mardi au mercredi le bombardement perdura. Le camp était presque complètement occupé et le 19 septembre au petit jour les loyalistes cernaient le quartier du Breuil et les bois environnants. La résistance faiblit et cessa et derniers mutins ainsi que leur chef et meneur, Globa, furent arrêtés. Le camp était occupé en entier par les Russes fidèles, il restait encore quelques rebelles isolés dans les bois qui furent arrêtés le lendemain.

On procéda à l’évacuation des blessés. On enterra les morts et on nettoya le camp. La population civile rentra à La Courtine. Les tranchées creusées à proximité du village furent comblées. Les armes furent comptées, rassemblées et embarquées dans huit wagons qui prirent la direction du parc d’artillerie d’Angoulême.

Ce qui ressortait fortement dans la plupart des travaux, c’est l’ampleur des combats ; cet élément est essentiel pour comprendre la distorsion – évoquée par tous ceux qui s’emparaient du dossier – entre l’intensité des bombardements[76], la violence de l’offensive terminale et… le nombre de victimes.

L’état des lieux dressé après la guerre montre des destructions relativement restreintes et une absence de mémoire locale d’une canonnade qui, pour le général Comby, s’apparentait pourtant à ce que l’on entendait sur le front.


Ce point de la violence des heurts méritera encore quelques recherches. Il n’est pas le seul. Si l’on connaît bien le devenir des mutins[77] et, de manière plus générale, celui de ces contingents russes par la suite, il reste des inconnues quand aux juridictions militaires russes qui jugèrent les soldats, quand aux soldats qui s’enfuirent des groupes de travail auxquels ils avaient été affectés et qui firent souche en France, quand au parcours des pro-bolchevicks qui rentrèrent en Union soviétique, quand aux enquêtes qui furent conduites à La Courtine et dans les environs sur l’impact des « évènements » sur la population locale[78].

Les morts russes de La Courtine furent conduits au cimetière « à l’insu de la population (…) la nuit, dans un fourgon et enterrés dans un terrain vague ». Ils ne figurent pas dans l’ensemble les registres de l’Etat civil de la commune (disparus…) et il n’y a aucun signalement de ces morts. Il n’y avait sur leur tertre, dans les années vingt, aucun signe religieux et aucun nom.

« L’herbe y pousse drue, écrivait Pierre Poitevin dans les années trente, les ronces règnent en maître et l’emplacement où ils reposent est entouré de fil de fer barbelé. Ils voisinent avec deux annamites et un chinois. C’est dire combien ces morts furent considérés comme des pestiférés ». Les morts de La Courtine n’eurent pas de porteur de mémoire pendant longtemps ; aujourd’hui le carré est entretenu.

Quand à ceux qui constituent l’ensemble des « manquants », on a perdu jusqu’à la trace même de leur existence ; disparus virtuels en raison de l’imprécision des chiffres ou cadavres sans sépulture, ils n’existent plus. Les militaires auteurs de l’histoire du camp de La Courtine[79], comme plusieurs de leurs prédécesseurs, signalent qu’on pensait au lendemain des opérations militaires que les mutins avaient enterré leurs camarades morts dans le camp ce qui explique que « la zone fut fouillée après les évènements. Il n’y a pas un seul endroit qui n’ait été retourné » mais ils ajoutent : « précisons toutefois que bien qu’il faille s’en tenir aux témoignages officiels, il n’est pas certain que les autorités de l’époque savaient que les troupes russes enterraient les morts debout[80]»… laissant la porte ouverte à de multiples conjectures que seule une archéologie contemporaine comme celle qui se pratique aujourd’hui pour les victimes se trouvant dans des « lieux de drame récents[81] » pourra résoudre.

Quoi qu’il en soit les morts de La Courtine sont des morts sans nom, sans identité, des morts pourtant qui ont participé à la guerre aux côtés des soldats français.

Récemment cependant, dans le petit cimetière de cette ville, une forme d’hommage leur a été rendu, quoique non dénuée d’instrumentalisation elle aussi. Une stèle commémorative a été inaugurée à l’initiative de l’association « La Libre Pensée de la Creuse » en présence du président national de « La Libre Pensée », du maire de La Courtine et d’un petit-fils de mutin de La Courtine[82]. Une autre association, l’« Association pour la mémoire de la mutinerie des soldats russes à La Courtine en 1917 » a été créée début 2014 afin de protéger et d’entretenir la stèle. Le monument est constitué de deux piliers de granit qui maintiennent une plaque de bronze, représentant des soldats russes avec une inscription « A bas la guerre ! 1917 » en alphabet cyrillique ; cette inscription renvoie au monument aux morts de la guerre de 1914 de Gentioux représentant un enfant levant le poing et portant l’inscription « Maudite soit la guerre »[83]. En dessous de la plaque de bronze est inséré un écriteau sur lequel est gravée une épitaphe ; il s’agit d’un hommage aux soldats russes internés et réprimés dans le camp en 1917 :« A la mémoire des 10 300 soldats Russes de la première Brigade, internés au camp de La Courtine du 26 juin au 19 septembre 1917. Ils y furent militairement réprimés, eux qui s’étaient mutinés contre la poursuite de la guerre, exigeant leur rapatriement en Russie révolutionnaire. ».


[1] Ce texte résulte d’une conférence prononcée dans l’amphithéâtre de la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges le mardi 25 novembre 2008 dans le cadre des manifestations du 90ème Anniversaire de la Première guerre mondiale en Haute-Vienne que nous avons coordonnées ; l’importance du public à chacune des expositions, conférences, soirées théâtrales et cinématographiques a révélé l’intérêt que suscite encore aujourd’hui la Grande guerre en Limousin.

[2] Dictionnaire de la Grande guerre 1914-1918, [sous la direction de François Cochet et Rémy Porte], Paris, Robert Laffont, collection Bouquins, 2008, 1120 p..

[3] Voir p. 168 ; ce type d’entrée permet de mettre en perspective d’autres troupes étrangères qui intervinrent sur le front français pendant la Grande guerre comme la 1ère Brigade de chasseurs tchécoslovaque par exemple mise sur pied à Cognac et Jarnac en 1918. Les troupes russes toutefois constituent un ensemble particulier ne serait ce qu’en raison des effectifs engagés : « de juin à décembre 1916, 745 officier et 43 550 soldats russes ont été débarqués en France ».

[4] Article signé Rémy Porte ; il s’appuie essentiellement sur le travail de Gérard Gorokhoff et Andréi Korliakov, Le corps expéditionnaire russe en France et à Salonique, 1916-1918, YMCA-Press, 2003.

[5] En particulier les fonds du Service historique de l’armée de terre (SHAT) en particulier.

[6] Voir, en particulier le classement des sources disponibles dans le dernier ouvrage de Rémi Adam.

[7] Le général Comby est le commandant de la XIIème Région militaire dans laquelle se trouve le camp de La Courtine. Son « Rapport » porte le nom exact de « Rapport secret du général Comby sur les opérations de La Courtine » ; il est daté du 28 septembre 1917, SHAT, 7 N 2011.

[8] Certains récits furent rédigés très tôt comme celui de V. Lebedev, Souvenirs d’un volontaire russe dans l’armée française, Perrin, 1917, d’autres aussi mais sans être édités comme ceux de W. Rychlinski et du colonel Schultz datant tous deux de 1916 et se rapportant au voyage des troupes russes ; le second comprend un magnifique album de photos et finira par sortir « chez l’auteur ».

[9] John Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde, Paris, Editions sociales, plusieurs éditions. La première traduction française date de 1920.

[10] Mémoires de la SSNAC, 1928, T. XXIII, p. 459. Louis Bareige était un chef d’escadron en retraite installé à Guéret.

[11] Ces articles ont été insérés dans les numéros du 21 janvier, du 28 janvier, du 4 février, du 11 février et du 18 février 1934. Voir, pour l’intégralité du texte, la biographie de Pierre Poitevin et une partie de ses travaux les plus marquants, Plas Pascal., Pierre Poitevin, le journalisme d’investigation en Limousin dans les années Trente, L’inconnu de Beynat, Les mutineries de La Courtine, Des Juifs allemands en Corrèze, in Histoire-Mémoires, Conflits contemporains, Limoges, L. Souny, n° 1, 2008, pp. 11-45. Le Limousin de Paris est l’organe de la colonie limousine de la capitale ; cf. El Gammal J., Plas P., Presse et politique en Limousin sous la IIIème République, Limoges, Presses universitaires, 1998, 169 p..

[12] Poitevin P., Ce que la censure nous a caché pendant la guerre. Une bataille au centre de la France en 1917. La révolte des armées russes au camp de La Courtine, Limoges, Imprimerie de la Société des journaux et publications du Centre, 1934, 63 p..

[13] Il s’agit du titre français, l’ouvrage était en russe. Le général Danilov était l’ancien quartier-maître général auprès du généralissime russe. Le livre était édité par l’Association des Officiers russes anciens combattants sur le front français, organisme peu connu dont il est difficile de retrouver la trace.

[14] Paris, Plon, 1933.

[15] Parution étalée du 16 novembre 1934 au 22 février 1935. C’est à La Courtine, dans un commerce local, que Charles Steber s’était procuré le petit ouvrage de Poitevin, cf. l’article du 11 janvier 1935.

[16] Ibid.

[17] Les emprunts de l’auteur n’étaient pas exempts d’une volonté de critique radicale, plusieurs membres de phrases très brefs étaient ainsi très vite décontextualisés. « Que lisons nous [dés le début de l’ouvrage] ? Une proclamation du général Comby, commandant de la 12ème région [militaire]. Le général exalte la valeur des soldats de la répression. Il se dit « fier d’eux et le proclame hautement ». Ainsi, dès la première ligne : l’apologie de la répression par un chef de la répression », etc.. La Patrie humaine, Extrait des articles des 11 et 18 janvier 1935.

[18] Barbusse Henri, Faits divers, Paris, Flammarion, 1928, 282 p.,  ; Recueil de nouvelles parmi lesquelles se trouve « Ceux qu’on a pas dompté », pp. 91-112. L’auteur écrit : « Les soldats de La Courtine sont comme un carré acculé et assiégé sur le champ de bataille, et qui ne veut pas se rendre. On leur dit « Vous trahissez l’honneur militaire », ils répondent « Nous sauvons la dignité humaine »… Qu’on comprenne bien la haute moralité dans le sens du mot, de cette révolte passive ».

[19] Emile Hennin, La révolte des troupes russes en France, Almanach de Police Magazine, 1933, pp. 42-50.

[20] Payot, 1938, 210 p. ; l’ouvrage fut plusieurs fois réédité. Le fait que la maison d’édition fut la même que celle qui avait publié l’ouvrage du général Comby desservit Pierre Poitevin.

[21] L’ouvrage porte la mention : Edité par les bolcheviks, Moscou, éditions d’Etat. Il peut être daté de 1919 mais a pu paraître à une date postérieure.

[22] Il y avait un article d’une dame Beck se rapportant aux soldats russes dans le sud de la France.

[23] On peut citer entre autre le journal bolchevik L’Ecran, les Mémoire du soldat Vavilov, ( Zapiski soldata Vavilova) parues à Moscou en 1927, les différents tomes de la série Arkhiv Russkoï Revoliutsii, en particulier le T. XVII, qui contenait un texte de Youri Lissovski, Lager Lya Kurtin , Russkaïa Revoliutsia vo Frantsii [Le camp de La Courtine, La révolution russe en France], pp. 256-279.

[24] Carriat A., Dictionnaire bio-bibliographique des auteurs du pays creusois et des écrits le concernant des origines à nos jours, Guéret, plusieurs fascicules, 1965-1976, Imprimerie Lecante et Presses du Massif central.

[25] Lausanne, 1942.

[26] Le manuscrit n’est pas perdu, il se trouve à la BDIC, Nanterre, Q-612 Rès.

[27] Paris, Julliard, 1953, 246 p.

[28] Moscou, Edition du Ministère de la Défense de l’URSS, 1978, 472 p. ; on peut lire du même cependant un récit « J’étais sur le front de Champagne en 1916 », paru dans France-URSS, août 1964, pp. 10-11. L’auteur n’est autre que le ministre de la Défense de N. Krouchtchev.

[29] Numéro 17, janvier mars 1975 ; titre : « 1917 : La mutinerie des contingents russes en France ».

[30] Couleru Danielle, Paris I Sorbonne, 1967-68, 132 p.

[31] Communication de Ph. Schillinger et J. Nicot ; le colloque se tint à Montpellier.

[32] MSSNAC, T. XLII, 1984 , pp. 142-155. [contient des croquis de A. Marcelli qui fit fonction d’interprète auprès des troupes russes, réalisés à partir d’archives détenues par un pharmacien d’Aubusson, Jean Bourderionnet].

[33] L’auteur part d’un chiffre initial de 7500 hommes retenu à partir d’un Rapport du Commissaire spécial de La Courtine adressé au sous-préfet d’Aubusson.

[34] Limoges, Lucien Souny, 1988, 380 p.. On peut lire cependant p. 129 une phrase fort prudente qui ne parle pas spécifiquement d’un total de morts mais évoque des « manquants » : « d’après une étude minutieuse menée par Laurent Yves Giloux, 600 [soldats russes] échappent à toute comptabilité militaire ».

[35] Paris, L’Harmattan, 1996, 383 p.

[36] Saint Martin’s Press, 1998, 396 p.

[37] Rémi Adam, op. cit., p. 163.

[38] Communication parue dans Violences en Limousin à travers les siècles, [Textes réunis par P. D’Hollander], Limoges, PULIM, 329 p., pp. 307 et suiv..

[39] Bulletin de l’Association Maurice Dayras, Aubusson, 1997, pp. 28 et suiv..

[40] Ibid., on ne peut citer les dizaines de petites publications qui reviennent peu ou prou sur les mutineries ; on citera pour mémoire, un numéro spécial du journal de Libre pensée de la Creuse paru en octobre 1997 intéressant par son titre : « Creuse, 1917-1922, Du soviet de La Courtine au monument aux morts de Gentioux »…, et les articles et mises au point de Paul Colmar dans la journal La Montagne.

[41] Camp militaire national de La Courtine, 1901-2001, Cent ans d’histoire. Très documenté, illustré.

[42] Paris, Edition Les bons caractères, 2007, 283 p.

[43] « A la défense de la révolution russe de 1917, nous souhaiterions (…) modestement contribuer », p. 11.

[44] Paul Doumer avait dans ses bagages une proposition de livraison à l’armée russe de milliers de fusils et de munitions ce qui n’était pas rien eu égard à l’équipement très médiocre de cette dernière.

[45] La propagande faisait de ces troupes « une tranche du rouleau compresseur russe », expression utilisée par la presse lorsque, 14 juillet 1916, une partie de la 1ère Brigade défila à Paris.

[46] Le voyage avait duré plus de trois mois ; la 3ème Brigade utilisa un autre itinéraire que la 1ère et fut débarquée dans les ports de l’Atlantique, elle n’en était pas moins dans un état similaire.

[47]A. Berelowitch, La hiérarchie des égaux, La noblesse russe d’Ancien régime, Paris, Le Seuil, 2001, 476 p.

[48] Un chef de la délégation russe auprès du Conseil interallié de Chantilly [Général Jilinsky], un chef du corps expéditionnaire russe [Général Palitsyne], des généraux à la tête des Brigades, [1ère : général Lochvitsky, 3ème : général Maroutchevsky], des colonels pour les régiments qui les constituent [1er Régiment de la 1ère Brigade : colonel Chtchvolokov, 2ème Régiment : colonel Diakonov, 5ème Régiment de la 2ème Brigade : colonel Narbout, 6ème Régiment : colonel Simonov].

[49] Le camp d’instruction militaire de Mailly est le plus grand de France (11 109 ha) ; il est situé dans la Champagne pouilleuse, dans le département de l’Aube.

[50] Les informations leur parvinrent par des bolchevicks qui se trouvaient dans les hôpitaux, en particulier l’hôpital Michelet de Vanves où fut élu un soviet et où des conférences de propagande se tinrent, SHAT, 5N 267. Y circulaient des publications russes de tendance extrémiste (…) en particulier le journal Natchalo [Le Début] – AN, F7 12 895 – et divers tracts sans que l’on sache quelle fut leur influence réelle.

[51] Sur l’engagement des soldats russes à Courcy, au fort de Brimont, à la côte 108 et au Mont Spin voir Rémi Adam, op. cit., p. 42. Sur un total de 271 000 morts, blessés, disparus et prisonniers [estimation de J.J. Becker], on dénombre au moins 6000 russes (R. Adam). De nombreux blessés moururent en raison de l’état sanitaire déplorable des hôpitaux et du manque de traducteurs (Le désastre sanitaire du Chemin des dames, in Le Chemin des Dames, Paris, Stock, 2004).

[52] « Soldats russes de France organisons nous ! Citoyens de la libre Russie ? nous sommes ici sur le sol français comme des forçats ; le régime tsariste de l’illégalité s’est effondré, la Russie a vu naître des idées plus larges et nous soldats russes jetés à milles vestes de notre chère patrie nous continuons à endurer des conditions insupportables, nous restons au front trois fois plus que les français, nous occupons les secteurs les plus exposés ; on est envoyé en tête aux attaques et nous subissons les pertes les plus lourdes, on ne nous donne pas le repos nécessaire et nous sommes nourris bien plus mal »

[53] Sur les mutineries dans l’armée française se reporter à G. Pedroncini, Les mutineries de 1917, Paris, PUF, 1983, 328 p. et aux travaux récents de D. Rolland, La grève des tranchées et les mutineries de 1917, Paris, Imago, 2005, 447 p.. La crainte de la « contagion » par les brigades russes est alors clairement mise en avant, SHAT, Rapport Pétain du 30 mai 1917.

[54] Voir une description du camp de La Courtine dans un autre article de Pierre Poitevin, Le camp de La Courtine, cité du soldat, paru dans la Revue du Centre-ouest en mai-juin 1934 et, pour des descriptions et des plans, les Notices sur le camp de La Courtine, éditées régulièrement tous les deux ou trois ans à Limoges chez Charles-Lavauzelle et Cie. Les travaux d’aménagement du camp ont commencé au début du siècle et, en 1917, il s’étendait sur prés de 7 000 hectares de nature très diverse, bois, landes, prés, et comprenait des baraquements, des établissements sanitaires, des écuries, etc., le tout bien desservi par la route et le rail. Ce camp gigantesque avait servi en 1914 de camp de détention – Jean-Claude Farcy, Les camps de concentration français pendant la Première guerre mondiale, Paris, Anthropos, 1995, 373 p. – puis, par la suite, de camps d’entraînement et de camp d’internement pour des officiers allemands prisonniers de guerre qui durent être évacués lorsqu’ arrivèrent les brigades russes. Il est certain que le camp présentait pour les autorités françaises des qualités spécifiques ; outre ses dimensions et ses capacités d’hébergement, il était aussi suffisamment isolé en cas de problèmes… Ses équipements étaient récents – le camp avait été inauguré en 1904 mais les travaux s’étaient poursuivis jusqu’en 1913 – et assez considérables, on y trouvait de nombreux casernements en dur, un service de santé, un mess, des cuisines, des cantines, des lavoirs, des séchoirs, etc., et l’on pouvait, selon les besoins, y implanter un village de toiles. Resta sur place une compagnie du 78ème Régiment d’infanterie de Guéret et un bataillon du train.

[55] Bulletin de l’Association Maurice Dayras, Aubusson, 1997 ; ce témoin n’est autre que la mère de René Paquet. Globa, le leader des insurgés, fréquentait assidûment le café parisien comme l’indiquait encore dans les années cinquante son patron : « il venait chaque jour au café avec deux ou trois de ses camarades et comme il parlait français nous conversions (…) c’était un charmant garçon (…) il était l’ami d’une parisienne venue à La Courtine avec un photographe ». [Cette dernière sera arrêtée avec lui dans les toutes dernières heures des opérations militaires alors qu’ils sont en fuite sur une route voisine du camp], L’Echo du Centre, 16 novembre 1957.

[56] Pierre Poitevin, op. cit..

[57] Bulletin de l’Association Maurice Dayras, op. cit.

[58] SHAT 7 N 611, note 14/7/17

[59] «  Les troupes françaises sont alertées, écrit Pierre Poitevin, il prescrit aux commandants des subdivisions de Limoges et de Guéret, de Tulle et de Brive de constituer des détachements prêts à partir au premier signal. Ces détachements comprennent : 1° Des compagnies d’infanterie de 200 hommes à raison de 4 compagnies pour la garnison de Limoges, une compagnie pour celle de Guéret, deux compagnies pour chacune des garnisons de Tulle et de Brive. Enfin le général commandant les dépôts d’artillerie d’Angoulême reçoit l’ordre de tenir prêtes trois sections de canons de 75 ».

[60] « Les jours passent, écrit il, la situation, toujours très tendue, est sans changement. Sur l’emplacement de l’ancien camp de Felletin, des tentes ont été dressées à nouveau pour recevoir les russes qui se rendent volontairement aux postes français. Un groupe d’officiers russes sous le commandement du commandant Balbachinsky est chargé d’encadrer ces évadés mais depuis le 17 août, une cinquantaine seulement ont été pris dans ces conditions. Le 23 août, une nouvelle et dernière tentative est faite pour obtenir la reddition des mutins. Elle est exécutée entre le gouvernement français et le gouvernement russe. Le ministre de la Guerre donne des instructions pour l’affichage immédiat dans le camp d’un télégramme du général Korniloff prescrivant de rétablir l’ordre même par la force armée et d’instituer des conseils de guerre. L’officier et les deux sous officiers français chargés d’afficher ce télégramme sont arrêtés par les rebelles mais relâchés après quelques heures grâce à l’abbé Laliron, aumônier de La Courtine, qui s’était chargé de venir apporter lui même l’énergique sommation du général Brezet».

[61] Le sous-préfet d’Ussel tient informé le préfet de la Corrèze lequel fait parvenir au ministère de l’Intérieur plusieurs notes demandant au fond des renforts – « l’effectif d’un corps d’armée avec de l’artillerie » [préfet, SHAT, 7 N 611, 28 juillet 1917] – pour faire face à la situation soit la présence à La Courtine de « huit à neuf mille hommes armés de fusils, mitrailleuses et même de canons, pourvus des munitions de combat (…) [en face de qui il faut mettre] une force armée suffisante, capable de leur imposer le respect des lois françaises, le désarmement et la dispersion » [ADC, Série M].

[62] Pierre Poitevin rapporte la rencontre : « Le 17 juillet, ces représentants arrivent à Felletin. Ils sont bien accueillis. Après une revue des troupes à laquelle deux cents hommes ont néanmoins et nettement refusé de se rendre, un meeting est formé. La parole est donnée à qui veut exprimer son opinion. Les représentants du Gouvernement provisoire haranguent leurs compatriotes. Svatikoff, en un discours enflammé, représenta aux troupes russes le devoir qu’elles avaient de ne pas ternir l’honneur de la patrie et de ne pas trahir les intérêts de la France alliée. Il exalta leur amour de la liberté et les exhorta à continuer la guerre jusqu’à la victoire définitive ». La quasi-totalité de la 3ème Brigade approuva selon Pierre Poitevin, ce que confirme le commandant Lelong. Les mutins de la 1ère Brigade, harangués par les délégués au sein même du camp vers 17 heures, refusèrent eux de prendre les armes en l’honneur de la délégation. « Tout de suite des cris s’élevèrent : en marche ! En avant vers la Russie ! ». Le dialogue fut impossible, les soldats de la 1ère ne voulaient pas accomplir leur devoir patriotique envers la France dont ils se plaignaient et les quelques tentatives menées par des délégués de la 3ème échouèrent aussi ». Le compte rendu de Svatkov dont on dispose maintenant va dans le même sens quoique formulé avec une certaine atonie : «  les soldats restés à La Courtine se sont présentés d’une façon peu satisfaisante, il n’y avait d’ordre que dans les premiers rangs, les hommes ne restaient pas immobiles et causaient, dans les derniers rangs on fumait, on entendait des exclamations exprimant des désirs ».

[63] Pierre Poitevin, op. cit.,.confirmé par les archives du ministère des Affaires étrangères (Volumes 763 à 766).

[64] SHAT, 7 N 611, 5 N 120.

[65] Rémy Adam, op. cit..

[66] Il argua tout d’abord de ce que « l’affectation immédiate de plusieurs navires à ce transport retarderait l’envoi de munitions et de matériel de guerre particulièrement nécessaire à l’armée russe en ce moment », propos de Terechtchenko rapportés par Noulens, op. cit..

[67] SHAT, 7 N 2011, 29 juillet. Kérensky ajoutait qu’une fois l’ordre rétabli on pourrait alors parler de rapatriement mais celui-ci ne se ferait pas à Arkhangesk mais à Salonique…

[68] Ils envisagèrent un rajout de 9 compagnies d’infanterie, 4 sections de mitrailleuses, 3 sections d’artillerie de 75, 3 pelotons de cavalerie, le tout devant être positionné dans la nuit du 3 au 4 août.

[69] Il paraît de plus en plus probable qu’il ne s’agissait pas d’éviter l’influence de la 1ère Brigade mais de parer à une décomposition de plus en plus manifeste de ces troupes et de l’impuissance avérée de leur commandement. Le général Comby rapporte que les officiers russes de la brigade « loyaliste » lui « ont avoué qu’ils ne pouvaient tenter aucune entreprise [attaque de la 1ère Brigade] qui pourrait aboutir à un désastre moral », SHAT, 7 N 2011.

[70] Un bataillon d’infanterie, soit 800 hommes provenant de l’artillerie russe du contingent de l’armée d’Orient et qui se trouvaient alors à Orange – ces artilleurs vont être affectés aux batteries d’artillerie – et 2 000 hommes de la 3ème Brigade rappelés du camp de Courneau.

[71] SHAT, 7N 2011.

[72] Témoignage recueilli par sa fille en 1986 et communiqué à Laurent-Yves Giloux, op. cit. ; Rémi Adam le présente presque in extenso dans son dernier ouvrage, pp. 249 et suiv., Rémi Adam, op. cit..

[73] Pierre Poitevin, op. cit. : « Le mouvement de soumission s’accentue jusqu’au soir et plus de 6 000 hommes vont ainsi défiler devant les généraux Vidalon et Comby. D’autres cependant se dirigent vers Malleret et d’autres vers le Mas d’Artiges. Enfin à 19 heures arrivent les rebelles du quartier du Breuil. Le total des soumissions s’élève à environ 7 500 hommes. Les uns arrivaient à pieds, les autres dans des fourgons, dans des voitures, des chariots, à cheval… tous sans armes. ». Les prisonniers sont regroupés dans des prairies au sud de La Courtine. La nuit tombée, les militaires français sont satisfaits des opérations menées dans la journée. On notera la présence d’un général américain dont Pierre Poitevin rapporte les propos peu glorieux prononcés au moment ou il félicite le général Comby : « je ne croyais pas général que vous vous seriez débarrassé aussi élégamment de cette bande de poux »

[74] C’est au cours de cette journée du 18 septembre que, vers dix heures du matin, les rebelles tirèrent sur deux vaguemestres du 19ème Régiment d’infanterie. Ceux-ci ayant à remettre des lettres aux bataillons venus de La Croix d’Echoron, à La Courtine et à Malleret, se dirigeaient en voiture sur La Courtine par la grand route. Arrivés à la hauteur du Breuil, des rebelles en embuscade tirent sur eux et blessent le sergent Lemeur au ventre et le sergent Feger à la cuisse. La voiture fit demi-tour sous les coups de fusils et rentra à La Croix d’Echoron. Le sergent Lemeur succomba une heure après en arrivant à l’ambulance installée à l’école pratique de Felletin ». Pierre Poitevin introduit alors dans son récit une interview du sergent Feger qu’il avait été faire chez ce dernier, à Squiffiec dans les Côtes du Nord. Le mort et le blessé étaient tous deux bretons. Le récit du sergent Feger est vivant et détaillé et surtout permet de « charger » les rebelles dans la mesure où la voiture que conduisent les deux hommes porte les fanions de la Croix Rouge. Ils reçurent tous deux la Médaille militaire et la croix russe de l’Ordre de Saint Georges.

[75] Archives militaires de Russie, TsVIA, F 13 234 et Rodion Malinovski.

[76] Il est curieux que l’on ne dispose d’aucun témoignage sur ce point d’autant qu’une étude scientifique menée en 1925 indiquait que les tirs pratiqués dans le camp étaient audibles jusqu’à 40 km alentour. Cf. Bulletin de la SLSA de la Corrèze, 1924, p. 194 et 1925, p. 143.

[77] L’autorité russe classe les mutins en trois catégories. La première comprend les plus coupables au nombre de 81 qui sont dirigés avec leur chef Globa le 21 septembre à Bordeaux pour être déférés aux juridictions militaires russes lesquelles rendent des jugements contradictoire (non-lieu général y compris pour Globa). La seconde comprend les mutins d’une culpabilité moindre soit un total de 549 hommes, 300 sont envoyés sous escorte au camp de Bourg-Lastic le 20 septembre et 249 à l’île d’Aix le 21. La troisième est composée des restants, environ 7 500 hommes qui sont… retenus à La Courtine. Afin de libérer le camp pour les troupes US et en raison de l’agitation qui y règne au moment de la Révolution d’octobre, ils sont ensuite réintégrés au front (les volontaires) ou assignés à des compagnies de travail ; ceux qui refusent l’un et l’autre sont embarqués pour l’Algérie où ils connaitront un sort cruel.

[78] Ces enquêtes discrètes eurent bien lieu comme le signale M. A. Delarbre : « quelques temps après deux gendarmes se présentèrent à l’épicerie familiale. Ils étaient chargé d’une enquête sur les fréquentations trop assidues de ces soldats au domicile de mes parents » , Bulletin de l’Association Maurice Dayras, Aubusson, 1997.

[79] Op. cit.

[80] Camp militaire national de La Courtine, 1901-2001, Cent ans d’histoire.

[81] Formule employée lors d’un colloque récent tenu à Caen sur la mise à jour des cadavres liés à des conflits du XXème siècle, pour laquelle on utilise les méthodes de l’archéologie traditionnelle.

[82] La stèle de la Courtine a été financée par une souscription nationale, le support des plaques a été réalisé par les élèves tailleurs de pierre du Lycée des Métiers du Bâtiment de Felletin, et l’artiste clermontoise Julie Savary est à l’origine du bas-relief de la plaque de bronze.

[83] Gentioux est une petite ville située près de la Courtine. Livré en 1922, son monument fit scandale, car il était jugé provocateur. Il fait partie de ces monuments aux morts qui n’ont jamais été reconnus par les autorités préfectorales. Lors des commémorations des 11 novembre, ce sont essentiellement des libre penseurs anarchistes, des pacifistes militants d’extrême gauche qui viennent y dénoncer la guerre et la place est pavoisée de drapeaux rouges ou noirs ainsi que de banderoles clamant « Ni Dieu ni maître ».


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