Une mémoire cimentée ou fluidifiée ? La résilience aux inondations en question avant et après la construction des grands barrages (bassin de la Dordogne)
Sous projet de la Chaire Capital Environnemental et la Gestion des cours d’Eau
Présentation du projet :
Ce projet sera réalisé en collaboration avec EPIDOR (Établissement Public Territorial du Bassin de la Dordogne) et viendra en complément du Programme d’action de prévention des inondations (PAPI) du bassin de la Dordogne. (http://www.eptb-dordogne.fr/contenu/index/idcontenu/92.)
Les inondations sont désormais reconnues comme des phénomènes hydro-sociaux complexes, impliquant des coûts et des avantages différentiels pour la société tout en fournissant des fonctions écosystémiques importantes. Au milieu du XXe siècle, plusieurs barrages hydro-électriques ont été construits au fil de la Dordogne et ses affluents. Selon les conditions, ils peuvent contenir les petites et moyennes crues. Les barrages ont-ils changé la fréquence des inondations au regard des épisodes du passé ? La mémoire du risque inondation a-t-elle perduré après leur construction ? Quelles formes prend la résilience aux inondations aujourd’hui ?
Les dommages causés par les inondations sont notamment le produit de conditions sociales et environnementales spécifiques. L’exposition au risque inondation peut refléter des disparités de ressources, ou de pouvoir, entre acteurs. Plusieurs changements sociaux et interventions techniques et hydrologiques ont eu lieu depuis les dernières décennies. Il s’agit alors d’étudier comment une mémoire du risque inondation perdure, s’occulte ou est mobilisée alors que les dernières crues majeures datent de 1944 et 1960 dans le bassin versant. On s’interroge alors sur la façon de penser la résilience aujourd’hui avec les grands barrages.
Ce projet mobilise un corpus de recherche déjà bien fourni, en partie abordé lors de la thèse. Dans le champ de l’histoire des risques, il est porté par des recherches interdisciplinaires entre historiens et géographes. Des recherches ont été parfois appliquées à certaines régions mais le bassin de la Dordogne est resté en dehors de ces travaux alors que l’existence de nombreux barrages pose des questions spécifiques.
Dans une première phase de recherche, il s’agira de savoir comment les inondations passées étaient véues par les habitants. Les informations seront récoltées grâce à la consultation d’archives (AD 19 et AD 24 principalement), au gré des entretiens avec des riverains, des chercheurs, des représentants de groupes d’intérêt, des associations, des gestionnaires et d’autres acteurs. On étudiera ainsi particulièrement les vulnérabilités des sociétés de jadis.
La seconde phase consistera à évaluer en quoi ces traces historiques sont fédératrices ou non d’une mémoire avant et après la construction des grands barrages. Quelle adaptation des habitants aux inondations s’observe hier et aujourd’hui ? Quels discours existent quant au rôle des barrages sur les inondations ? Le but de cette seconde phase est de combiner la recherche historique et la recherche sociale contemporaine pour réfléchir à la résilience des sociétés. Certaines zones et cas d’étude seront privilégiés pour un travail par questionnaires. Elles se situent sur les 4 SAGE du bassin versant : Dordogne amont, Dordogne Atlantique, Vézère et Isle-Dronne sont très différemment impactés par les innondations. 3000 questionnaires ont donc été envoyés dans 9 communes retenues aux caractéristiques très différentes. Les réponses sont en train d’être récoltées et analysées. Ce volet du travail s’intègre à l’action 01-BV-03 du PAPI Dordogne (« Etudier sociologiquement la perception du risque et les comportements des habitants du bassin »).
Enfin, des programmes d’action de sensibilisation au risque inondation seront entrepris via la diffusion d’informations, la confrontation d’images anciennes et actuelles, la mise en place de marqueurs… Un projet d’exposition itinérante autour de l’histoire des crues est porté par des étudiants du Master « Valorisation du Patrimoine » à l’Université de Limoges / EPL Ahun. Un autre projet mettra en valeur les innondations comme des ressources patrimoniales dans une commune du bassin versant via un parcours thématique.
Promouvoir une meilleure prise de conscience des risques d’inondation dans le bassin versant, étudier les conditions d’émergence d’une culture du risque, sensibiliser les acteurs locaux à l’occurrence potentielle de crues sont autant d’objectifs majeurs. Ainsi pourrait être établi un « aide-mémoire » des inondations pour promouvoir une culture du risque socio-hydrologique.
Au cours de ce postdoctorat, j’ai participé à plusieurs réunions avec les acteurs du territoire du bassin versant (projet de PPRI Isle-Auvézère, comité technique du PAPI Dordogne…). Plusieurs articles ont également été publiés afin de montrer comment l’existence de grands barrages sur un cours d’eau interfère avec la mémoire du risque.
Calendrier prévisionnel des recherches :
Janvier- février 2015 : Familiarisation avec le projet et le terrain d’étude (bibliographie).
Mars – avril 2015 : Recensement des inondations passées dans le bassin versant avec une attention particulière à la vulnérabilité des sociétés.
Mai – juin 2015 : Identification de zones et cas d’étude.
Juillet – octobre 2015 : Etude sur la perception des barrages par les habitants.
Novembre – décembre : Enquêtes sur la mémoire du risque inondation.
Janvier – fmars 2016 : Analyse des résultats d’enquêtes.
Avril – juin 2016 : Promotion de la culture du risque.