Axel Broni, La protection des personnes déplacées en Afrique : nouvelle dimension de sécurité humaine
La protection des personnes déplacées en Afrique :
nouvelle dimension de sécurité humaine
BRONI Fulgence Axel, Docteur en droit public, Université de Poitiers
Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu’au début des années quatre-vingt-dix et à la faveur de la multiplication des guerres civiles dans de nombreux pays africains, le monde a connu un véritable fléau de déplacements internes. L’Afrique n’a pas été épargnée par ce phénomène[1]. Bien au contraire, elle est devenue le continent par excellence des personnes déplacées. Celles-ci sont particulièrement vulnérables, d’abord du fait des conflits armés et ensuite parce qu’elles échappent généralement à l’emprise de l’autorité nationale du pays à l’intérieur duquel elles se trouvent et de laquelle elles relèvent, sans pour autant bénéficier de la protection officielle d’un organe de suppléance comme dans le cas des réfugiés.
Longtemps enseveli sous la chape de la souveraineté nationale, le problème du déplacement interne est aujourd’hui en passe de sortir de l’ombre[2]. Il est devenu un sujet de préoccupation majeure à l’échelle mondiale. L’intérêt des institutions africaines et des autres membres de la communauté internationale à l’égard de cette question tient autant à une augmentation de son ampleur et de sa portée géographique qu’à une prise de conscience nouvelle de sa dimension d’insécurité humaine.
Cette prise de conscience générale à l’égard du problème des personnes déplacées se situe dans une dynamique de protection de la sécurité humaine des victimes potentielles du déracinement interne à un double titre. D’une part, l’objectif visant « à libérer l’homme de la peur et du besoin » conduit nécessairement à considérer que le concept de sécurité humaine s’étend à toute forme de déplacement forcé du fait de l’homme. D’autre part, cette notion de sécurité humaine se présente comme étant un cadre conceptuel de réévaluation du sens et de la signification de la souveraineté[3]. En tant que telle, la souveraineté est désormais associée à une responsabilité, voire à l’obligation pour un État de protéger lui-même son propre peuple[4]. Ce nouveau visage humain que revêt à présent la sécurité oblige à revoir la portée et le contenu de la protection de la personne qui, dans la double perspective des droits de l’homme et du développement humain, devrait se voir conférer une pleine maîtrise de sa vie[5]. Une telle conception passablement révisée de la souveraineté tournée de plus en plus vers l’individu fournit des arguments de justification pour l’extension d’une couverture normative aux personnes déplacées[6].
En somme, c’est en tenant compte de ce nouveau paradigme offert par la sécurité humaine qu’il a été possible d’envisager une protection juridique effective des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Pour s’en tenir ici qu’au seul contexte africain, si cette protection des personnes déplacées repose d’abord sur des fondements normatifs internationaux (I), celle-ci se complète ensuite au niveau régional africain par une Convention régissant spécifiquement le cas des déplacements forcés internes (II).
I. Les fondements juridiques internationaux de la protection des personnes déplacées internes en Afrique
Pendant longtemps, la mise hors jeu des personnes déplacées du régime juridique des réfugiés n’équivalait pas pour autant à une absence de protection offerte par le droit international à ces dernières. Pour s’en apercevoir, il aurait suffi tout simplement de se souvenir que le droit international des droits de l’homme est applicable à tous les êtres humains — y compris les personnes déplacées — et qu’il prévoit des protections supplémentaires à l’égard des groupes vulnérables, tels que les femmes, les enfants ou les minorités, qui constituent la majeure partie des populations déplacées. De plus, lors des conflits armés, l’État et les parties au conflit se doivent d’observer les principes du droit international humanitaire qui visent à protéger les personnes civiles, parmi lesquelles, comprennent naturellement les personnes déplacées, à condition toutefois qu’elles restent hors de combat.
Certes, le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire fournissent un nombre suffisant de normes juridiques générales, sur la base desquelles il est envisageable de conceptualiser la protection des personnes déplacées. Mais il reste que, malgré l’existence de normes générales applicables à la protection des personnes déplacées, certains problèmes d’ordre juridique et pratique subsistent[7].
En premier lieu, force est de reconnaître que les obligations conventionnelles ne naissent à l’égard des États que dans la mesure où ils y ont consenti expressément et sans réserve, à moins qu’il ne s’agisse de normes faisant partie du droit coutumier. L’applicabilité des différents instruments reste donc tributaire de l’état de leur ratification. Or, contrairement aux Conventions de Genève du 12 août 1949 (ou à leurs Protocoles additionnels) qui ont déjà recueilli une très large adhésion, rares sont les conventions relatives aux droits de l’homme ayant acquis une telle acception universelle[8].
En second lieu, il convient de souligner la limite du champ d’application matériel du droit international humanitaire, combinée aux exceptions prévues dans l’application des instruments relatifs aux droits de l’homme. En effet, l’application du droit international humanitaire suppose l’existence d’un conflit armé, ce qui signifie que ce corps de règles reste inapplicable dans des situations de troubles intérieurs[9] et de tensions internes[10], ou toute autre situation similaire, qui n’atteignent pas le seuil de gravité d’un conflit armé. Or, dans ces situations qui ne sont pas couvertes par le droit humanitaire, les conventions internationales relatives au droit de l’homme autorisent quant à elles, les États parties à déroger à certaines normes, dès lors qu’« un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation »[11]. Bien que certains droits fondamentaux dits « droits non dérogeables » ou encore « noyau dur » des droits de l’homme[12] ne soient pas touchés par cette exception, le flou juridique ainsi créé n’aide pas à un meilleur respect des droits fondamentaux des personnes déplacées en pareilles situations de troubles ou de tensions.
Enfin, en dernier lieu, il convient de constater que les normes internationales en vigueur ne prennent pas nécessairement en considération la situation spécifique des personnes déplacées, ainsi que les besoins réels éprouvés par celles-ci. Ou bien, même s’il existe des normes pertinentes que l’on peut invoquer en leur faveur, ces dernières demeurent souvent éparses dans les différents instruments juridiques et n’offrent qu’une utilité minimale[13].
C’est en partant de ces observations que la Commission des droits de l’homme et l’Assemblée générale des Nations unies avaient demandé au Représentant du Secrétaire général d’établir un cadre normatif approprié aux personnes déplacées. Ce qui a naturellement conduit à l’élaboration et à la consécration récente des Principes directeurs relatifs aux déplacements internes (§ 1), lesquels constituent les fondements juridiques internationaux de la protection des personnes déplacées internes en Afrique.
Si le contenu de ces Principes réaffirme un vaste corpus de normes internationales déjà en place pour la protection des droits de la personne, tout en cherchant à en préciser les points obscurs et à combler les lacunes au profit des personnes déplacées[14], il importe cependant de s’interroger quant à la réelle portée de ces Principes dans la protection des personnes déplacées internes en Afrique (§ 2).
§ 1. La consécration récente de normes de protection des personnes déplacées internes par les Principes directeurs des Nations unies relatifs au déplacement interne
Cette consécration récente de standards internationaux de protection des personnes déplacées internes transparaît d’abord dans le rôle normatif de la Commission des droits de l’homme des NU quant à l’édification des Principes directeurs sur le déplacement interne (A). On peut également l’apercevoir à travers le contenu normatif des Principes directeurs relatifs aux déplacements internes (B).
A. Le rôle normatif de la Commission des droits de l’homme de l’ONU dans l’édification de normes de protection en faveur des personnes déplacées internes
Jusqu’en 1998, les déplacements internes n’étaient pas ou peu abordés directement dans les textes internationaux à valeur contraignante, les migrations interétatiques étant bien plus réglementées en droit international avec par exemple la Convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugié. Or, les lieux de destination des personnes migrantes sont cruciaux en droit puisqu’elles n’entraînent pas les mêmes conséquences juridiques. Lorsque le départ forcé donne lieu à un déplacement « intra-étatique », les personnes déplacées internes sont sous la protection et donc sous la souveraineté de l’État d’appartenance. En revanche, lorsque le déplacement est « interétatique », une protection internationale est alors possible : celle organisée par la Convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugié et offerte par les États d’accueil. La question des déplacés internes n’était donc pas reconnue par la communauté internationale, car le refuge interne relevait traditionnellement de la compétence des États souverains[15]. En somme, ils étaient libres de traiter comme ils l’entendaient le sort de leur population, réserve faite du respect du droit international des droits de l’homme. Les États ont donc d’abord été réticents à l’idée de construire un cadre normatif international sur les personnes déplacées internes, redoutant que, sous couvert de protection, se cache en réalité une atteinte aux principes du respect des souverainetés et de non-ingérence.
Face à ces réticences, la mise en place d’un cadre juridique pour les personnes déplacées internes est alors devenue l’une des tâches principales entreprises par le Représentant du Secrétaire général chargé de la question des personnes déplacées, Francis Deng, établi en 1992 par la Commission des droits de l’homme de l’ONU[16]. Sa mission a été une suite de défis considérables[17] :
— traiter avec les sensibilités des gouvernements qui se méfiaient des attaques potentielles contre leur souveraineté ;
— garantir que les normes internationales seraient basées sur un concept rassembleur et consensuel ;
— et de confirmer aux États que les personnes déplacées internes tombaient sous leur responsabilité souveraine, tout en affirmant que cette souveraineté s’accompagne de l’obligation de protéger ces populations vulnérables et de leur porter secours.
C’est ainsi que le concept de « la souveraineté en tant que forme de responsabilité »[18] est devenu le fondement du cadre normatif des Principes directeurs qui allait être créé. Au demeurant, dans le cadre de l’exercice de son mandat, le premier Représentant, M. Francis Deng, en plus du dialogue noué avec des gouvernements, y compris en Afrique (Angola, Burundi, République démocratique du Congo, Rwanda, Soudan, etc.), sur les voies et moyens d’assurer protection et assistance aux personnes déplacées[19], a développé une activité normative, avec l’appui d’un groupe d’experts qui a abouti à la compilation des règles de droit international existantes applicables aux personnes déplacées[20]. Ce travail préliminaire a servi de base à l’identification de Principes directeurs relatifs aux déplacements internes, soumis à la Commission des droits de l’homme en 1996[21] et adoptés en 1998, sans consultation des gouvernements[22].
Pour autant, les Principes directeurs ne constituent pas un nouveau texte consacrant des droits spécifiques aux personnes déplacées. Ils procèdent plutôt d’une unification des principales règles existantes et relevant essentiellement du droit international humanitaire et des droits de l’homme[23]. Cet exercice de codification est complété par une dose de développement progressif du droit international applicable aux personnes déplacées, grâce à quelques emprunts faits au droit international des réfugiés (en ce qui concerne spécialement le droit au retour et la réintégration)[24].
Les Principes directeurs sont donc issus d’un texte pensé et conçu par une équipe d’experts en consultation avec les seules agences et organisations concernées, destinés à offrir protection et assistance aux personnes déplacées internes. À ce titre, ils ne visent pas à créer une catégorie privilégiée de citoyens, mais à répondre aux besoins spécifiques induits par les déplacements internes.
Au moment de l’élaboration des Principes directeurs, le débat a porté tant sur la forme que sur le fond du texte à adopter. Après avoir envisagé plusieurs solutions de forme adéquate du cadre normatif telle qu’une Déclaration, une Convention internationale contraignante ou des Principes, ce sont finalement les Principes directeurs qui ont été retenus. L’idée d’une Convention internationale était minoritaire auprès des États et trop laborieuse dans son mode d’élaboration[25]. Comme leur nom l’indique, les Principes directeurs sur le déplacement interne n’ont donc pas le caractère de hard law et ne sont pas juridiquement contraignants pour les États[26], ces derniers n’étant pas prêts, à l’époque, à aller au-delà de la consécration d’un cadre international normatif de soft law. En somme, c’est par un processus de création complexe de normes internationales que les standards internationaux posés par les Principes directeurs ont été consacrés. Walter Kälin rappelle à cet égard que le processus de création des Principes directeurs découle « d’un consensus de bas en haut […]. Le consensus est le fondement premier du droit international. Ce n’est pas seulement le cas pour le droit conventionnel, mais aussi pour le droit international coutumier et ses deux éléments constitutifs : la pratique et l’opinio juris — la conviction que la coutume repose sur une obligation légale. […] Les Principes directeurs font autorité, car les garanties sur lesquelles ils se basent, […] qu’ils reprennent et confirment, sont inscrites dans le droit international des droits de l’homme […] et dans le droit humanitaire international et répondent aux besoins spécifiques des personnes déplacées internes. Ainsi, leur autorité ne vient pas du processus d’élaboration, mais plutôt du fait que leur contenu est solidement ancré dans le droit international »[27].
En clair, bien que n’étant pas revêtu d’un caractère contraignant dans leur nature, le contenu de ces principes produit pour autant des effets politico-juridiques impératifs. Autrement dit, un acte faiblement contraignant peut être politiquement contraignant et influer comme moyen de pression politique. Ces deux caractères du soft law (caractère allégé et influent), desquels découlent les Principes directeurs sur le déplacement interne, témoignent d’un décalage entre la souplesse d’usage de ce procédé et le pouvoir d’action qu’il délivre. Par conséquent, on peut donc déduire de ce qui précède, qu’à l’instar du soft law, les Principes directeurs ne prennent leur consistance dans l’ordre juridique que si à la déclaration qu’ils sont supposés énoncer, succède, même partiellement et progressivement, l’application. Cela est d’autant plus vrai, dans la mesure où ceux-ci ont été largement approuvés dans la pratique internationale[28] à travers notamment : l’Assemblée générale, dans sa résolution 54/167[29] ainsi que la Commission des droits de l’homme (rebaptisé Conseil des droits de l’homme depuis mars 2006), dans sa résolution 1999/47[30], ont pris bonne note de ces principes. Le président du Conseil de sécurité de l’ONU a également, dans une déclaration, pris acte de ceux-ci. De surcroît, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a reconnu les Principes directeurs comme un instrument utile et fixant un cadre pour ses travaux[31]. Par ailleurs, la Commission interaméricaine des droits de l’homme de l’Organisation des États américains les ont accueillis favorablement et les appuie encore sans réserve[32]. De même, dernièrement, l’UA a adopté, en octobre 2009, la Convention de Kampala relative à la protection et à l’assistance des personnes déplacées en Afrique[33], en se basant essentiellement sur ces Principes.
Après avoir analysé le rôle normatif de la Commission des droits de l’homme des NU dans l’édification des Principes directeurs sur le déplacement interne, il importe à présent de se pencher sur le contenu normatif de ces principes.
B. Le contenu normatif des Principes directeurs relatifs au déplacement interne
Les Principes directeurs appréhendent le déplacement interne de façon dynamique. Ils entendent ainsi assurer aux personnes visées une couverture normative qui s’articule autour de la protection contre les déplacements (A) et celle qui leur est dévolue au cours du déplacement (B). On occultera volontairement ici la protection pendant le retour et la réintégration des personnes déplacées, problématique à laquelle nous avons déjà consacré d’abondants développements dans le Titre précédent de cette étude.
Le déplacement forcé des personnes étant dû (surtout dans le cas des conflits armés) au non-respect des normes internationales, le Titre II des Principes se rapportant aux « Principes relatifs à la protection contre le déplacement »[34], commence par attirer l’attention de la communauté internationale sur l’importance de l’observation scrupuleuse des normes internationales existantes pour ce qui est de la prévention des déplacements forcés[35]. En effet, si « toutes les autorités et tous les membres concernés de la communauté internationale respectent les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, […] et assurent leur respect en toutes circonstances »[36], cela conduirait indubitablement à éviter ou minimiser les déplacements de populations[37]. Les normes internationales à respecter sont celles relatives aux droits de l’homme (DH) et au droit international humanitaire (DIH). La référence aux autorités signifie que les normes internationales doivent être non seulement respectées par les États, mais également par les groupes armés[38]. De plus, le second principe précise que les Principes directeurs doivent être observés par toutes les autorités, tous les groupes ou personnes concernées indépendamment de leur statut. L’on a trop souvent tendance à oublier cette exigence de base, et il faut saluer le fait que le respect du droit ait été placé au cœur de la dimension préventive des déplacements internes.
Pour asseoir cette prévention, il est stipulé que « chaque être humain a le droit d’être protégé contre un déplacement arbitraire de son foyer ou de son lieu de résidence habituel »[39]. Même si cette dernière disposition ne figure que dans une déclaration de principes, l’énoncé d’un droit à ne pas être arbitrairement déplacé contribue au développement progressif du droit international. Assurément, hormis la Convention de l’Union africaine pour la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique du 23 octobre 2009[40], en l’état actuel des instruments internationaux, un droit à ne pas être déplacé n’existe que de façon implicite, par l’interprétation de certaines dispositions du DIH et du droit des droits de l’homme, notamment celles qui garantissent la liberté de mouvement ou encore le libre choix de la résidence[41]. Vu l’ampleur que prend le phénomène de déplacement forcé de population, l’énoncé explicite d’un « droit à n’être pas déplacé » s’imposait, fût-ce pour attirer l’attention sur la violation des droits de l’homme que représente ce phénomène qui tend à se banaliser[42]. Dans cette perspective, le second paragraphe de ce même principe 6 définit une liste non exhaustive des situations susceptibles d’engendrer des déplacements arbitraires. Au nombre de ces situations, on peut noter entre autres celles procédant de politiques d’apartheid ou de « nettoyage ethnique », de catastrophes naturelles ou encore de conflits armés, etc. Pour nous en tenir ici qu’au dernier cas, selon le paragraphe b alinéa 2 du principe 6, les déplacements qui interviennent dans des situations de conflits armés sont arbitraires, à moins que la sécurité des personnes civiles ou des raisons militaires impérieuses ne les aient rendus nécessaires. Cette disposition reflète la teneur du droit international humanitaire pour ce qui est des raisons pouvant éventuellement justifier des déplacements internes. C’est à juste titre que le CICR soulignait dans ses commentaires sur l’article 17 du Protocole additionnel II qu’il « va de soi qu’on ne saurait interdire formellement un déplacement qui éviterait à la population d’être exposée à de graves dangers »[43]. De même que, « la nécessité militaire, comme motif de dérogation à une règle, exige toujours une appréciation minutieuse des circonstances […] L’appréciation de la situation doit se faire d’une façon particulièrement soigneuse et l’adjectif « impératif » restreint à leur minimum les cas où un déplacement pourrait être ordonné »[44].
Si le déplacement a lieu dans les conditions requises, il ne doit cependant pas « durer plus longtemps que l’exigent les circonstances »[45]. Cette exigence est une application du principe de proportionnalité qui doit impérativement être respecté, même lorsque les droits humains sont limités[46]. Son application effective exige qu’une fois les circonstances à l’origine du déplacement ont cessé, les personnes concernées doivent pouvoir retourner dans leur lieu de résidence habituelle[47].
Cela dit, le septième principe énonce les garanties procédurales à respecter lorsque le déplacement doit avoir lieu. Conformément à ce principe, les autorités responsables doivent au préalable, explorer toutes les alternatives au déplacement avant de prendre la décision de le faire. Et ce n’est que lorsqu’il n’y a aucune autre issue qu’elles doivent prendre la décision de déplacer les populations. Ce paragraphe premier du principe 7, s’il tend à considérer le déplacement comme l’ultime solution de protection des populations civiles dans les situations d’urgence, force est d’admettre que dans les situations d’extrême urgence telles que celles d’un conflit armé, les populations civiles fuient les effets indiscriminés de la guerre par peur, sans pour autant que les autorités locales ou nationales leur aient ordonné de le faire. Dans de pareilles circonstances, s’il est évident que les autorités ne peuvent pas empêcher la fuite des personnes qui le désirent par manque de sécurité, il conviendrait au moins de les rassurer quant aux mesures qu’elles auraient décidées pour leur permettre de rester sur place. Ces mesures pourraient être la constitution de zones protégées comme nous l’avions déjà évoqué dans nos développements antérieurs[48]. Ce n’est que lorsque ces mesures leur paraissent comme garantissant suffisamment leur sécurité, que ceux qui désirent rester le feront en toute liberté.
Lorsque le déplacement est la seule option ou encore lorsqu’il intervient nonobstant les mesures édictées par les autorités locales ou nationales, le paragraphe 2 du principe 7 commande que « les personnes déplacées soient convenablement logées, que le processus de déplacement se fasse dans des conditions satisfaisantes sur le plan de la sécurité, de l’alimentation, de la santé et de l’hygiène », et que l’unité familiale soit préservée dans la mesure du possible. Ces garanties sont identiques à celles contenues aux articles 49 § 3 de la IVe CG et 17 § 1 du PAII. En tout état de cause, « les États ont l’obligation particulière de protéger contre le déplacement les populations indigènes, les minorités, les paysans, les éleveurs et autres groupes qui ont vis-à-vis de leurs terres un lien de dépendance et un attachement particulier »[49].
Les principes, comme le souligne Walter Kälin, ne se contentent pas seulement de décrire les situations dans lesquelles le déplacement serait qualifié d’arbitraire (voir principe 6) mais identifie également au principe 8, les actes prohibés par les droits de l’homme dans les déplacements[50]. En référence à ce principe, aucun déplacement ne doit s’opérer dans des conditions qui violent les « droits à la vie, à la dignité, à la liberté et à la sécurité des personnes concernées »[51].
Dans l’ensemble, les principes relatifs à la protection contre le déplacement représentent un complément attendu aux instruments relatifs aux réfugiés. Leur respect scrupuleux devrait contribuer à prévenir non seulement les déplacements internes, mais aussi et surtout les déplacements externes qui nourrissent les flots de réfugiés. Lorsqu’en dépit de l’existence de ces principes préventifs le déplacement finit par intervenir, des normes curatives s’appliquant au cours du déplacement sont susceptibles de protéger les personnes déplacées.
Si, malgré tout, un déplacement a lieu, le Titre III des Principes identifie les normes qui doivent être observées au cours du déplacement. Pour l’essentiel, ces principes restituent les droits fondamentaux garantis dans les instruments internationaux de protection des droits de l’homme et les dispositions des Conventions de Genève relatives à la protection de la population civile pendant les hostilités. Sur certains points néanmoins, les normes générales existant dans ces instruments ont été adaptées à la situation particulière des déplacés internes afin d’en favoriser l’application.
Il en est ainsi du principe 10 qui rappelle le droit fondamental à la vie inhérent à tout être humain et non dérogatoire contenu dans tous les traités relatifs aux droits de l’homme. Ce principe dispose en substance que « chaque être humain a un droit à la vie qui est protégé par la loi ». Il prohibe, à cet effet, les exécutions sommaires ou arbitraires. À cette protection de la vie, les personnes déplacées seront particulièrement protégées contre un certain nombre d’actes énumérés, mais dont la liste n’est qu’indicative[52]. Ces personnes déplacées doivent être singulièrement protégées contre certains actes constitutifs de nos jours, de menaces à la vie. Parmi ces actes, on peut noter le génocide, l’assassinat, les exécutions sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées, ainsi que l’enlèvement ou la détention non reconnue, quand il y a menace de mort ou mort d’homme[53].
Le second paragraphe du principe 10 a trait à la protection du droit à la vie des personnes déplacées du fait d’un conflit armé. Essentiellement inspiré du droit humanitaire, il interdit les attaques ou les actes de violences contre les personnes déplacées qui ne participent pas aux hostilités. Sont et demeurent prohibés en particulier, les attaques directes ou indiscriminées[54] ou d’autres actes de violence, « y compris la délimitation de zones dans lesquelles les attaques contre les civils sont autorisées »[55]. Les méthodes de guerre consistant à affamer la population civile demeurent également interdites, au même titre que l’utilisation des personnes déplacées à des fins de boucliers humains, ainsi que les attaques visant leurs camps ou leurs zones d’installation.
Le douzième principe renouvelle, quant à lui, dans un premier temps, la norme générale selon laquelle « tout individu a le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne » ; tout en spécifiant dans un deuxième temps, que « pour donner effet à ce droit reconnu aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, il est interdit de les enfermer ou de les confiner dans un camp »[56].
Sur d’autres points, il convient de noter le développement progressif des principes généraux des droits de l’homme là où les instruments actuels présentent quelques insuffisances, exception faite bien entendu de la Convention de Kampala comme nous le verrons plus loin. Tel est par exemple le cas du principe 15 qui reconnaît aux personnes déplacées internes « le droit d’être protégées contre le retour ou la réinstallation forcés dans tout lieu où leur vie, leur sécurité, leur liberté et/ou leur santé seraient en danger »[57].
Parmi les autres principes relatifs à la protection au cours du déplacement, une mention particulière doit être faite de la délivrance des documents d’identité et des actes de l’état civil (principe 20 (2)), ainsi que de la protection de la propriété privée (principe 21 (3)).
Enfin, dans les situations d’urgence, la protection des personnes déplacées internes passe aussi par l’apport de l’aide humanitaire. Le Titre IV des Principes directeurs a le mérite de condenser les principes essentiels qui président à cette activité, et que l’on retrouve disséminés dans divers instruments. Les deux pôles de l’assistance humanitaire sont rappelés. D’une part, « c’est en premier lieu aux autorités nationales qu’incombent le devoir et la responsabilité d’apporter une aide humanitaire aux déplacés à l’intérieur de leur propre pays ». De l’autre, « les organisations humanitaires internationales et d’autres parties concernées ont le droit de proposer leurs services pour venir en aide aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays. Une telle proposition ne doit pas être considérée comme inamicale ou comme un acte d’ingérence dans les affaires intérieures de l’État et sera accueillie de bonne foi. Ces services ne seront pas refusés arbitrairement, surtout si les autorités concernées ne sont pas en mesure de fournir l’aide humanitaire requise ou ne sont pas disposées à le faire »[58]. À cet égard, les autorités doivent faciliter le libre passage de l’aide en faveur de leur population déplacée. Elles permettront dans cette optique, aux personnes chargées de la distribution de l’aide, d’accéder facilement et librement aux personnes déplacées. Ainsi, « les personnes chargées de l’aide humanitaire, leurs moyens de transport et leurs stocks seront protégés. Ils ne feront l’objet d’aucune attaque ou autre cas de violence »[59]. Dans bien de situations en réalité, l’insécurité constatée dans certaines zones contrarie durablement cet acheminement des secours. Tel est par exemple le cas du Darfour, où « la multiplication des groupes rebelles, du banditisme, les attaques de convois de secours »[60] constituent des entraves à l’aide et concourent à la dégradation des conditions de vie des personnes déplacées internes.
Si l’affirmation des Principes directeurs est une récente et intéressante consécration, quelle portée et quelle effectivité concrètes revêtent ces normes utiles de soft law ainsi codifiées, dans la protection des personnes déplacées en Afrique ?
§ 2. La portée des Principes directeurs dans la protection des personnes déplacées internes en Afrique
Pour évaluer la portée des Principes directeurs dans la protection des personnes déplacées internes en Afrique, il nous importe d’abord d’analyser les mécanismes de mise en œuvre de ces principes sur le continent noir (A)[61]. Ce passage en revue des mécanismes de mise en œuvre des Principes directeurs en Afrique permet ensuite de mettre en lumière leur effectivité, qui elle, demeure encore relative sur le continent noir (B).
A. Les mécanismes de mise en œuvre des Principes directeurs en Afrique
Il y a lieu ici de distinguer parmi ces mécanismes, selon qu’il s’agit de mesures nationales de mises en œuvre des Principes directeurs, de celles appliquées au plan sous-régional.
Dans le premier cas, la responsabilité primordiale de la protection des personnes déplacées appartient à l’État sur le territoire duquel celles-ci se trouvent. Une protection efficace des personnes déplacées internes en Afrique requiert l’adoption de mesures législatives et institutionnelles internes destinées aux personnes déplacées. De telles mesures ne visent pas à accorder un statut spécial aux personnes déplacées, qui demeurent citoyens au même titre que les autres populations du pays concerné. Elles ont pour objectif de répondre aux besoins spécifiques des personnes déplacées, en raison de leur vulnérabilité due à la situation précaire dans laquelle ils se trouvent. Ce faisant, plus de 20 pays dans le monde ont adopté des législations ou des politiques nationales en vue de protéger les droits des personnes déplacées[62]. Les États africains figurent parmi les premiers à avoir élaboré des législations et des politiques nationales basées sur les Principes directeurs pour améliorer de façon substantielle la couverture normative des personnes déplacées internes. L’Angola a été le premier État à le faire en 2000[63], suivi du Burundi (2001)[64], de la Sierra Leone (2002), du Libéria (2004), de l’Ouganda (2004)[65] et du Soudan (2009). Dans d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Nigeria ou le Tchad[66], les politiques ou les lois de transposition des Principes directeurs sont encore à l’état de projet.
En tout état de cause, la grande variété de ces législations et politiques nationales relatives à la protection des personnes déplacées reflète les différentes approches adoptées par les États pour gérer les déplacements internes. Celles-ci comprennent :
— Un instrument court reprenant le texte des Principes directeurs (Libéria).
— Une loi ou une politique traitant d’une phase spécifique du déplacement, comme le retour, la réinstallation et la réintégration (Angola, Burundi et Sierra Leone), ou bien d’une cause spécifique comme les catastrophes naturelles.
— Une loi ou une politique traitant d’un ou de plusieurs droits spécifiques des personnes déplacées comme la restitution et la compensation pour la perte de biens. Le Protocole du Pacte des Grands Lacs sur les droits de propriété des personnes de retour, que nous aborderons dans les pages à venir en fournit un exemple.
— Une loi ou une politique globale traitant de toutes les causes (catastrophes, conflits, violence généralisée, violations des droits de l’homme, projets de développement) et de toutes les phases du déplacement interne (prévention du déplacement, protection pendant le déplacement et création des conditions favorables au retour, à l’installation dans une autre partie du pays et à la réintégration). Tel est le cas de la politique nationale de l’Ouganda pour les personnes déplacées.
Toutes ces lois et politiques nationales relatives aux personnes déplacées ont généralement en commun le fait d’assigner des responsabilités institutionnelles pour l’action et la coordination nationales. Cela a été fait de différentes manières selon les pays. Dans certains pays, des agences déjà en place ont été chargées de l’assistance et de la coordination pour les personnes déplacées. Dans d’autres pays, de nouvelles agences ou de nouveaux bureaux, souvent au niveau de la Présidence de la République ou du bureau du Premier ministre, ont été créés. Par ailleurs, des groupes de travail inter-agences ont été mis en place pour garantir la collaboration institutionnelle de l’ensemble des ministères et organisations concernés[67]. Cette assignation des responsabilités institutionnelles s’est révélée importante dans la mesure où, elle a permis aux personnes déplacées et aux Organisations de la société civile (OSC) de disposer d’un interlocuteur ainsi que d’un forum pour partager les informations, faire part de leurs préoccupations et trouver des moyens de surmonter les obstacles à une assistance et une protection effective[68].
À côté de ces mesures nationales de protection des personnes déplacées, viennent se greffer aussi des initiatives sous-régionales africaines de mise en œuvre des Principes directeurs sur le déplacement interne. Dans ce sens, la promotion des Principes directeurs à travers l’organisation des séminaires régionaux a contribué efficacement à l’adoption de mesures nationales et sous-régionales pour la protection des personnes déplacées en Afrique. À titre d’exemple, il convient de mentionner la première Conférence régionale organisée du 30 août au 2 septembre 2003, par l’Autorité intergouvernementale pour le développement en Afrique de l’Est (IGAD), sur le déplacement interne, en coopération avec le Représentant du Secrétaire général pour les personnes déplacées. Cette Conférence portait sur l’examen de la situation des déplacements internes dans les États membres de l’IGAD, les dynamiques régionales contribuant au développement de ce phénomène, ainsi que les possibilités d’une action régionale concertée. Comme le note un rapporteur de la Conférence : « In the conclusions [of the Conference] it was noted that the Guiding Principles were a « useful tool » in building national policies on internal displacement, inasmuch as they « compile the existing international law » in this area. They also called for the creation of a dedicated unit within the IGAD secretariat to address issues of forced displacement, including by collecting data on displacement in the sub-region, disseminating the Guiding Principles, providing technical assistance to member states in developing and monitoring policies on internal displacement, and exploring further means of sub-regional cooperation on forced displacement »[69].
S’agissant de l’Afrique de l’Ouest, le Représentant du Secrétaire général pour les personnes déplacées a rapporté : « Au niveau sous-régional, les ministres des États membres de la CEDEAO ont adopté, à la Conférence de l’Afrique de l’Ouest sur les enfants touchés par la guerre, tenue en avril 2000 au Ghana, une déclaration dans laquelle ils se sont félicités des Principes directeurs et en ont préconisé l’application par les États membres de la CEDEAO. Cette déclaration a ensuite été adoptée par le Sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays membres de la CEDEAO, en décembre 2000. En septembre 2002, le bureau du Représentant a participé à un séminaire sur les migrations en Afrique de l’Ouest organisé à Dakar par la CEDEAO et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à l’intention des États membres de la CEDEAO. Ce séminaire a notamment recommandé aux États d’élaborer des lois sur les déplacements internes en utilisant les Principes directeurs comme cadre de référence »[70].
De même, en Afrique australe, le HCR et le Brookings-Bern Project ont organisé, à Gaborone (Botswana), du 24 au 26 août 2005, un séminaire sous-régional sur les déplacements internes dans la région de la SADC, qui a reconnu le rôle primordial des États dans la gestion des questions relatives aux personnes déplacées[71].
Enfin, il convient de mentionner les efforts normatifs récents dans le cadre de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) initiés conjointement par l’UA et les Nations unies depuis 1999, visant à répondre aux conflits complexes, au déplacement et au sous-développement dans ladite région. Cette Conférence a abouti à la l’élaboration et la signature, en 2006, du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs. Ce processus se fonde sur la reconnaissance des liens étroits entre les populations de la région, notamment au niveau sécuritaire et économique, et le besoin de trouver des solutions régionales aux problèmes récurrents qui minent cette partie de l’Afrique. Il a conduit à la signature par onze États[72] du Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la région des Grands Lacs (également connu sous la dénomination de Pacte des Grands Lacs) en décembre 2006[73]. Ce Pacte, entré en vigueur le 21 juin 2008, après sa ratification par huit États membres de la CIRGL[74], constitue le premier instrument multilatéral au monde qui engage les États membres à adopter et mettre en application les Principes directeurs, par le biais de ses deux Protocoles sur la protection et l’assistance à apporter aux personnes déplacées et sur celui relatif aux droits à la propriété des rapatriés [75]. Il sert aussi de fondement juridique pour l’intégration des Principes directeurs au sein des législations nationales des États membres concernés.
Si les Principes directeurs relatifs au déplacement interne sont affirmés et reconnus en Afrique subsaharienne, ils souffrent néanmoins d’un manque cruel d’effectivité sur ce continent.
B. L’effectivité relative des Principes directeurs en Afrique
Le droit international humanitaire, les droits de l’homme et le droit des réfugiés, auxquels se rattachent ou s’apparentent les Principes directeurs relatifs au déplacement interne approuvés par les Nations unies en 1998, disposent de mécanismes de mise en œuvre plus ou moins efficaces en Afrique. Pour autant, l’unification opérée à travers les Principes directeurs n’a pas encore conduit à une protection plus effective des personnes déplacées, en dépit de la création de mécanismes internationaux spécifiquement dédiés à cette tâche. Le problème à la base de cette situation est le manque de relais nationaux, normatifs et institutionnels.
En ce sens, le volet opérationnel de ces Principes directeurs a fait l’objet de nombreuses critiques, et particulièrement s’agissant du volet de l’organisation des opérations humanitaires[76]. Depuis leur affirmation, les experts, les organisations intergouvernementales et les ONG ont œuvré pour améliorer cette lacune récurrente en proposant que des garanties complémentaires, plus opérationnelles, soient intégrées dans le droit interne et la pratique des États (surtout africains). Après la codification des Principes, il est important d’aider au renforcement des capacités africaines dans ce secteur, soit en appuyant les institutions nationales des droits de l’homme, soit en apportant leurs services consultatifs pour la création d’organismes spécifiquement consacrés aux personnes déplacées. Dans ce cadre, il convient de mentionner par exemple, l’importance du travail mené récemment par des experts du projet Brookings-Bern[77] portant sur « le déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays », sous la co-direction du professeur Walter Kälin. Dans sa version 2005, ce projet proposait un volet plus précis du rôle de l’État face aux déplacés internes : l’État devant s’acquitter de sa responsabilité en respectant douze points[78] essentiels envers les personnes déplacées internes. Cette « doctrine originale »[79] encourage même les États à intégrer dans leur droit interne (affirmation des droits) et à mettre en pratique (application effective) les Principes directeurs et certaines bonnes pratiques d’accueil telles qu’entre autres, la liberté de passage pour les ONG ou la sécurité du personnel humanitaire. Ce manuel développé par le projet Brookings-Berne a pour objet de donner des conseils utiles sur la manière d’élaborer des lois sur les personnes déplacées internes et est destiné notamment aux responsables politiques, ainsi qu’aux ONG spécialisées. Une nouvelle version du projet Brookings-Bern apporte des précisions sur l’application des droits sur le terrain[80]. En plus de ces principes, tout au long des nombreuses expériences humanitaires, les agences onusiennes et les ONG ont élaboré de véritables standards humanitaires de plus en plus codifiés et complémentaires intégrant le problème des droits et de la protection des personnes déplacées internes. Cette action s’inscrit aussi dans le travail du mécanisme de coordination du Bureau pour la coordination des affaires humanitaires (en anglais OCHA) et du Comité permanent inter-organisation des Nations unies (CPI ou en anglais IASC)[81]. De même, des bases de données sur les personnes déplacées ont été créées afin d’améliorer la connaissance des faits et les prises de décisions dans ce domaine[82].
Toutefois, malgré ce système de coordination, ces Principes souffrent encore de leur faible application opérationnelle sur le terrain. Le volet institutionnel fait défaut, aucune organisation ou agence n’est aujourd’hui, seule, responsable de la protection des personnes déplacées internes. Certes, le HCR agit pour les personnes déplacées internes depuis les années soixante-dix, il a apporté ses « bons offices » au cas par cas lors de situations humanitaires graves (par exemple au Soudan en 1972). Ainsi, bien que le Statut de l’Office du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés[83] ne prévoit pas de compétence particulière pour les personnes déplacées internes, le HCR s’est néanmoins engagé dans plus de vingt-deux opérations auprès des personnes déplacées[84]. Depuis 2005, le HCR est le chef de file des agences onusiennes sur la question des déplacés internes. L’approche sectorielle dite aussi « cluster approach » ou « approche collaborative » a été adoptée afin de pallier notamment ce manque institutionnel[85]. Certaines organisations sont ainsi devenues les principales responsables selon le « principe de la responsabilité sectorielle ». Cette multiplicité d’acteurs s’est parfois révélée inefficace, voire catastrophique (notamment au Darfour, ou au Libéria) du fait de nombreux facteurs : dilution des responsabilités des multiples acteurs de terrain, flou dans le partage des compétences et rivalités entre les organismes compétents[86].
Pour autant, le HCR a confirmé en 2007, la pertinence des Principes directeurs dans le Cadre d’orientation et la stratégie de mise en œuvre concernant les personnes déplacées internes[87], il travaille avec les gouvernements concernés et les acteurs humanitaires dans plus de vingt-huit pays afin de protéger près de 14 millions de personnes déplacées. Dans ce sens, le HCR a endossé officiellement la responsabilité de trois secteurs : la protection, la coordination et la gestion des camps, et les abris d’urgence. En pratique, la délivrance de l’aide s’effectue aussi entre plusieurs agences onusiennes telles que le PNUD, l’OMS, le PNUE, l’UNICEF, etc.[88]. Il convient de noter enfin que, depuis 2002, l’Unité des déplacements internes a été restructurée et rebaptisée Division inter-agences des déplacements internes en 2004 ; elle a désormais pour objectif de garantir la mise en œuvre de cette action sectorielle lors des déplacements internes, en veillant notamment à la bonne application des directives du Comité permanent inter-organisations (CIP)[89].
Comme l’a si bien noté Élisabeth Ferris, l’évaluation des impacts des Principes directeurs est une tâche complexe et inachevée[90]. Malgré les réformes du système humanitaire et des efforts réalisés, force est de constater qu’en l’état actuel des choses, l’effectivité de la protection des personnes déplacées en Afrique par les Principes directeurs reste relative. Nous le disons ainsi, dans la mesure où l’assistance effective en faveur des personnes déplacées internes n’en est encore qu’à ses balbutiements sur le continent africain. Ces difficultés d’application des Principes directeurs interrogent sur la pertinence de l’outil de soft law duquel ceux-ci découlent. Aussi l’adoption, le 23 octobre 2009 à Kampala par l’Union africaine de la Convention pour la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala) témoigne-t-elle d’une évolution significative du cadre juridique spécifique africain de protection des personnes déplacées, qu’il convient à présent d’analyser.
II. Le cadre juridique spécifique africain de protection des personnes déplacées internes
Le continent africain, affecté par les afflux massifs de personnes déplacées principalement dus aux conflits armés[91], ses États membres ont pris conscience de la gravité de leur situation[92], de leur souffrance et de leur vulnérabilité particulière. Dans ce sens, l’Union africaine (UA)[93], l’organisation continentale, a élaboré une Convention dont le but principal est de mettre en place un cadre juridique destiné à leur apporter protection et assistance.
En adoptant la Convention sur la protection et l’assistance des personnes déplacées lors de sa Session extraordinaire du 22 au 23 octobre 2009 tenue à Kampala (Ouganda), l’Union africaine (UA) a créé un nouveau précédent en droit international en devenant la première organisation régionale au monde dans l’édiction d’un instrument juridiquement contraignant relatif au déplacement interne (§ 1). De la sorte, il s’agit d’un signal fort envoyé au reste du monde sur l’importance que l’Afrique — qui héberge environ la moitié des déplacés internes — accorde à cette cruciale question[94]. Cette Convention dite aussi « Convention de Kampala » constitue pour ce faire au plan régional africain, le nécessaire outil de codification des Principes directeurs des Nations unies sur le déplacement interne. Par conséquent, celle-ci devrait jouer un rôle essentiel dans la promotion de ces principes en les faisant passer du statut de droit non contraignant (soft law), à celui d’obligations conventionnelles impératives.
Cette évolution très encourageante sur l’avenir de la protection et l’assistance des personnes déplacées en Afrique et par-delà en droit international, ne saurait néanmoins occulter l’immense défi de la mise en œuvre de ce nouvel instrument régional relatif au déplacement interne par les États afro-subsahariens (§ 2).
§ 1. Une consécration régionale et contraignante de la protection des personnes déplacées internes en Afrique par la Convention de Kampala
La Convention de Kampala sur le déplacement interne en Afrique n’est pas apparue ex nihilo. Elle est le fruit de développements progressifs ayant abouti à son adoption[95].
Fondée comme on le sait, sur les Principes directeurs des Nations unies ainsi que sur l’expérience, les lois et politiques internes des États africains, puis des initiatives régionales tel le Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la Région des Grands Lacs[96], la Convention de Kampala établit un cadre juridique commun pour élaborer des réponses globales aux déplacements internes. À ce titre, cette Convention constitue d’abord une codification africaine de la prévention et de la protection contre les déplacements arbitraires (A).
Elle représente également une étape importante pour la garantie de la sécurité physique et de l’intégrité des personnes déplacées, ainsi que pour la jouissance de leurs droits fondamentaux[97], à travers les mécanismes de protection et d’assistance qu’elle institue en faveur de ces derniers en Afrique (B).
A. Une codification africaine de la prévention et de la protection des populations contre les déplacements arbitraires
Tout comme les Principes directeurs, les objectifs de la Convention de Kampala sont à la fois de mettre en place un cadre juridique approprié pour apporter une protection et une assistance aux personnes déplacées internes en Afrique, mais aussi et surtout, de « promouvoir et renforcer les mesures nationales destinées à prévenir ou à atténuer, interdire et éliminer les causes premières du déplacement interne »[98]. À ces fins, elle exige des États qu’ils luttent contre tout déplacement causé par des conflits et des violations des droits de l’homme et qu’ils respectent leurs obligations en matière de droit international, y compris les droits de l’homme et le droit humanitaire, afin de prévenir et d’éviter les situations pouvant conduire au déplacement arbitraire de personnes[99]. En ce qui concerne les déplacements causés par des catastrophes naturelles, les États parties ont notamment l’obligation de prendre les mesures préventives spécifiques comme la mise au point de systèmes d’alerte précoce, la mise en œuvre de stratégies de réduction des risques ainsi que des mesures de planification et de gestion des catastrophes[100].
La Convention de Kampala fait œuvre de pionnière en droit international lorsqu’elle transforme le droit à la protection contre le déplacement arbitraire en une norme légalement contraignante. Après avoir proclamé le droit de toute personne d’être protégée contre le déplacement arbitraire, le paragraphe 4 de l’article 4 de cette Convention définit les déplacements arbitraires, lesquels constituent de toute évidence une infraction en droit international humanitaire[101]. Cette définition demeure bien plus étoffée que celle mentionnée dans les Principes directeurs de 1998, notamment dans son article 6. Ainsi, le déplacement arbitraire est entendu comme :
- a) [un] [d]éplacement basé sur les politiques de discrimination raciale ou autres pratiques similaires, visant à altérer la composition ethnique, religieuse ou raciale de la population ;
- b) [un] [d]éplacement individuel ou massif de civils en situation de conflit armé, sauf pour des raisons de sécurité des civils impliqués ou des impératifs d’ordre militaires conformément au droit international humanitaire ;
- c) [un] [d]éplacement utilisé intentionnellement comme méthode de guerre ou autres violations du droit international humanitaire dans des situations de conflit armé ;
- d) [un] [d]éplacement issu des situations de violence ou de violations généralisées des droits de l’homme ;
- e) [un] [d]éplacement résultant de pratiques néfastes [102];
- f) [des] [é]vacuations forcées dans les cas de catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme ou par d’autres causes si les évacuations ne sont pas exigées par la sécurité et la santé des personnes affectées ;
- g) [un] [d]éplacement utilisé comme punition collective ;
- h) [un] [d]éplacement causé par un acte, un évènement, un facteur ou un phénomène d’une gravité similaire à ceux ci-dessus cités et qui soit non justifié par le droit international, en particulier les droits de l’homme et le droit international humanitaire [103].
Cette définition, aussi extensive soit-elle, n’est pas exhaustive puisque la Convention de Kampala laisse la place ouverte à d’autres catégories de déplacements internes[104]. Elle constitue donc une avancée majeure dans l’appréhension plus large des hypothèses de migrations internes forcées. Nous le disons ainsi, dans la mesure où cette obligation d’interdiction de déplacements arbitraires s’étend aux acteurs non-étatiques tels que les entreprises multinationales et les compagnies militaires ou de sécurité privées[105], ou encore aux acteurs non-étatiques impliqués dans l’exploration et l’exploitation des ressources économiques et naturelles, ayant pour conséquence des déplacements de population[106].
De plus, sachant que certaines personnes abandonnent leur foyer ou quittent leur lieu de résidence habituelle lorsque leurs moyens de subsistance sont menacés par les combats et l’insécurité[107], le paragraphe 5 de l’article 4 poursuit en établissant une disposition spéciale à l’égard des communautés qui ont un attachement ou une dépendance particulière à la terre[108], en raison de leur culture et de leurs valeurs spirituelles particulières, sauf « en cas de nécessité impérative dictée par les intérêts publics ». Ce même article conclut en demandant aux États membres de l’UA de déclarer comme infractions punissables par la loi, les actes de déplacement arbitraire pouvant être assimilés à un génocide, à des crimes de guerre ou à des crimes contre l’humanité[109].
En dépit de l’existence de toutes ces mesures, le fait de contraindre les populations au déplacement à l’occasion des conflits reste une pratique très répandue en Afrique. Conscients de cette réalité, les États membres de l’Union africaine ont adopté des dispositifs relatifs à la protection et à l’assistance pendant le déplacement.
B. Les mécanismes de protection et d’assistance aux personnes déplacées internes
Les conflits armés en Afrique opposant le plus souvent, des groupes armés non étatiques à des forces armées nationales, la Convention de Kampala impose à ces entités armées non étatiques, un certain nombre d’obligations en vue d’assurer la protection et l’assistance des personnes déplacées (1). Par la même occasion, elle fait peser dans le même sens, des obligations à la charge des États parties (2).
- Les obligations des acteurs armés non-étatiques destinées à assurer la protection et l’assistance aux personnes déplacées internes
La responsabilité première d’assumer la protection et l’assistance aux personnes déplacées incombe aux États. Toutefois, dans les situations de conflits armés, force est d’assister à la démultiplication d’États en déliquescence due au fait que ceux-ci ne disposent plus de contrôle effectif sur une partie de leur territoire et sur la population qui y vit[110]. À l’occasion de ces situations qui engendrent le plus souvent de nombreux déplacements forcés de population, il appartient à ces nouvelles autorités de fait de veiller au respect des droits des personnes déplacées demeurant sur la portion de territoire qu’elles contrôlent. C’est dans cette logique que les États membres de l’organisation panafricaine ont imposé des obligations à la charge des groupes armés non-étatiques, pour ce qui concerne la protection et l’assistance à apporter aux personnes déplacées.
Pour autant, la Convention de Kampala rappelle à son article 7 que ces obligations qui incombent aux groupes armés non-étatiques, ne sont pas destinées à leur conférer un statut juridique, encore moins une reconnaissance légale[111]. Bien plus, cette disposition ne vise qu’à conforter les autorités nationales (les États), en leur réitérant qu’elles demeurent malgré tout, les seules interlocutrices légitimes de l’État au plan international.
Certes la Convention de Kampala ne va pas jusqu’à imposer aux groupes armés d’obligations positives de protéger les droits de la personne. Cependant, celle-ci affirme l’applicabilité du cadre légal préexistant constitué par le droit international, notamment le DIH, en déclarant que « La protection et l’assistance aux personnes déplacées au titre du présent article sont régies par le droit international, en particulier le droit humanitaire international »[112]. Ainsi, la Convention reconnait que dans les situations de conflit non international, les groupes armés exercent souvent un rôle de contrôle déterminant sur les populations civiles, et partant sur les personnes déplacées internes. C’est pourquoi, l’article 7 (5) impose une série d’obligations négatives aux groupes armés non-étatiques, leur interdisant la poursuite de certains types d’actions tels, le fait « d’entraver, en quelque circonstance que ce soit, la fourniture de la protection et de l’assistance aux personnes déplacées »[113]. Une telle disposition vise à faciliter les actions de secours des organismes humanitaires en faveur des populations en détresse[114].
Tel que stipulé dans la Convention de Kampala, les groupes armés non-étatiques sont également tenus d’assurer le bien-être des personnes déplacées internes, à tout le moins, de faciliter les actions entreprises dans ce sens. Dès lors, il leur est interdit de « Nier aux personnes déplacées, le droit de vivre dans des conditions satisfaisantes de dignité, de sécurité, d’assainissement, d’alimentation, de santé et d’abri, et de séparer les membres d’une même famille »[115]. Tout conflit armé engendrant une pénurie et, le plus souvent la famine[116], les acteurs armés non-étatiques se doivent de faciliter l’acheminement et la distribution de secours aux populations civiles en détresse lors des situations de guerre. Ils devront permettre en outre, aux familles de pouvoir vivre ensemble, en empêchant la séparation des membres d’une même famille.
De même, la liberté d’aller et de venir constituant un droit fondamental inhérent à tout être humain, lorsque les personnes déplacées vivent dans des camps ou dans une zone délimitée, les groupes armés non-étatiques doivent s’abstenir de restreindre leur mouvement à l’intérieur et à l’extérieur de ces espaces[117].
Sachant que ces acteurs armés non-étatiques profitent en général de la vulnérabilité des enfants pour renflouer leur vivier de combattants ; afin de prévenir leur enrôlement (de gré ou de force) et leur participation aux hostilités, la Convention de Kampala interdit aux groupes armés de « recruter, en quelque circonstance que ce soit, des enfants, de leur demander ou de leur permettre de participer aux hostilités »[118].
Il est par ailleurs interdit aux groupes armés de recruter contre leur volonté des individus, de même que de procéder à des actes d’enlèvement de personnes, de prise d’otages, d’esclavage sexuel et de trafic d’êtres humains, notamment des femmes et des enfants[119]. Les récents conflits armés ayant été le théâtre d’attaques brutales contre les populations civiles, en particulier les femmes et les enfants, ces derniers ont fait l’objet de la part des belligérants, d’actes de violences sexuelles de toutes sortes, tels que le viol, les sévices et les tortures[120].
Enfin, l’article 5 (11) de la Convention impose aux États parties l’obligation de « […] prendre les mesures nécessaires visant à garantir que les groupes armés respectent leurs obligations au titre de l’Article 7 ». Le non-respect des obligations incombant aux acteurs armés non-étatiques est susceptible d’engager leur responsabilité pénale individuelle[121]. Dans le dessein d’assurer la protection et l’assistance aux personnes déplacées, la Convention de Kampala impose également des obligations à la charge des États.
- Les obligations des États parties relatives à la protection et à l’assistance aux personnes déplacées internes
De même qu’il revient aux États de protéger leurs ressortissants contre les déplacements, il leur appartient la responsabilité principale d’apporter une protection et une assistance humanitaire aux personnes déplacées, au sein de leur territoire ou de leur juridiction, sans discrimination aucune[122]. Sur cette base, la Convention de Kampala exige que les États évaluent les besoins et les vulnérabilités des personnes déplacées internes et des communautés d’accueil (ou de faciliter ces évaluations[123]) et de fournir aux personnes déplacées une assistance humanitaire adéquate dans toutes les phases du déplacement[124]. Cette assistance incluant notamment l’alimentation, l’eau, les abris, les soins médicaux et autres services de santé, l’assainissement, l’éducation, ainsi que tous les autres services sociaux nécessaires doit être étendue, en cas de besoin, aux communautés locales et communautés d’accueil[125]. Il convient ici de préciser que cette disposition essentielle de l’article 9 (2) (b) de la Convention est une compilation d’un certain nombre de normes déjà dégagées par les organisations humanitaires dans leur guide de conduite établit à partir des pratiques de terrain. Il y a notamment une référence à la pratique prescrite par les Normes Sphères[126].
Par ailleurs, la Convention de Kampala souligne les besoins spécifiques à accorder aux personnes les plus vulnérables de la communauté des déplacés. Ces personnes sont les enfants séparés et non accompagnés, les femmes-chefs de ménage, les femmes enceintes, les mères accompagnées de jeunes enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées ou souffrant de maladies transmissibles[127]. Des mesures spéciales doivent être prises pour protéger les personnes déplacées contre la violence sexuelle ou fondée sur le sexe, les pratiques néfastes, le recrutement forcé des enfants ainsi que le trafic et le détournement d’êtres humains[128].
Les États doivent en outre « garantir la liberté de mouvement et de choix de résidence des personnes déplacées »[129] et veiller au caractère civil des lieux d’accueil. Cette mesure leur impose l’obligation de contrôler militairement l’accès aux camps de déplacés afin que ces derniers n’abritent pas de combattants. Cela vise à empêcher que les camps de déplacés ne constituent de base armée militaire et servir ainsi de sanctuaires à partir desquels des actions subversives sont menées contre une Partie adverse[130]. C’est à juste titre que l’alinéa g du paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention de Kampala prescrit que les États parties doivent s’engager à ce que les lieux d’accueil des personnes déplacées internes soient protégés « contre l’infiltration par des groupes ou éléments armés ». Par conséquent, ils doivent veiller à « désarmer et séparer ces groupes ou éléments de la population des personnes déplacées ».
Au-delà de cette préservation du caractère civil des zones d’accueil des personnes déplacées, les États doivent autoriser le passage rapide et libre de toutes les opérations, tous les équipements et de tout le personnel de secours au bénéfice des personnes déplacées internes.
Ils se doivent également de rendre possible et de faciliter le rôle des organisations locales et internationales ainsi que des Organisations de la société civile (OSC), et autres acteurs pertinents, afin d’apporter protection et assistance aux personnes déplacées[131]. Somme toute, lorsque leurs ressources disponibles sont insuffisantes (ce qui est souvent le cas), pour protéger et assister les personnes déplacées, les États parties se doivent de demander l’assistance de ces organisations. Dans ce sens, ils doivent permettre et faciliter le rôle de ces organisations dans le domaine de la protection et de l’assistance tout en conservant le droit de prescrire des conditions techniques, à travers par exemple l’attribution de permis autorisant le passage de l’aide[132].
Pour ce qui concerne les solutions durables aux problèmes des personnes déplacées internes, la Convention de Kampala propose des obligations plus ambitieuses que certains traités de droit international humanitaire étant donné, par exemple, qu’elle prévoit des obligations pour les États parties relatives au retour et à l’intégration locale ou à la réinstallation durable[133] ainsi qu’un droit à la compensation juste et équitable[134].
Enfin, la Convention de Kampala engage les États à respecter le mandat et l’Acte constitutif de l’Union africaine, y compris son droit d’intervenir dans un État membre de l’UA dans des circonstances graves, notamment en cas de crimes de guerre, de génocide et de crimes contre l’humanité, ainsi que le droit des États parties de l’UA de solliciter son intervention pour restaurer la paix et la sécurité[135].
Toutes ces obligations ainsi proclamées ne peuvent devenir une réalité tangible dans la protection des personnes déplacées internes en Afrique, que si et seulement si à la ratification de la Convention de Kampala succède son application par les États. Sur ce dernier point, de nombreux défis restent encore à surmonter pour atteindre un tel objectif.
§ 2. Les défis de la mise en œuvre de la Convention de Kampala sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées internes en Afrique
Une fois ratifiée par les États, la mise en œuvre effective de la Convention de Kampala en Afrique subsaharienne suppose de relever deux défis. L’un concerne l’indispensable mise en place de mécanismes de contrôle et de suivi de son application au sein des États parties qui l’ont ratifiée (A), l’autre, se rapporte à la nécessaire adoption de mesures internes pour assurer l’exécution des dispositions de cette Convention (B).
A. De la ratification à l’indispensable adoption de mesures internes d’exécution de la Convention de Kampala
Le continent africain vient de marquer l’histoire en adoptant un nouveau cadre juridique unique et sans précédent constitué par la Convention de Kampala sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Afrique. Ce texte est entré en vigueur depuis le 6 décembre 2012, soit 30 jours après que le Swaziland[136], quinzième État africain à le faire, a déposé ses instruments de ratification auprès de l’UA, conformément à l’article 17 alinéa 1 de ladite Convention. Il s’agit là du premier instrument régional contraignant au monde qui impose aux gouvernements et aux acteurs armés non‑étatiques de protéger et d’assister les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, adopté à l’échelle de tout un continent. Également, grâce à cette importante Convention, le droit à la protection contre le déplacement arbitraire accède au rang de norme légalement contraignante.
Depuis son adoption en octobre 2009 jusqu’à ce jour, en plus du Swaziland, au total dix‑neuf États africains sur les 53 pays membres de l’UA ont ratifié la Convention de Kampala. Les dix-huit autres pays à l’avoir fait sont : l’Angola, le Bénin, le Burkina Faso, la République centrafricaine, le Tchad, le Gabon, la Gambie, la Guinée Bissau, le Lesotho, le Mali, le Malawi, le Niger, le Nigéria, le Rwanda, la Sierra Leone, le Togo, l’Ouganda et la Zambie [137]. Trente-neuf autres États signataires, tous membres de l’UA n’ont pas encore ratifié le texte et ne sont pas juridiquement contraints de l’appliquer[138].
Ce faisant, la signature et la ratification par les États membres de l’UA de la Convention de Kampala constituent une première étape essentielle dans le processus vers la protection des personnes déplacées. Après cette entrée en vigueur, comme l’a si bien souligné Jacob Kellenberger, l’ancien président du CICR, « Le défi majeur, à présent, est celui auquel est confronté le droit humanitaire international en général – il s’agit de garantir qu’une fois que la Convention sera signée et ratifiée par autant d’États que possible, elle soit effectivement mise en application et respectée »[139]. Dans ce sens, cette Convention ne permettra de créer des changements significatifs pour les personnes déplacées que si ses dispositions sont effectivement appliquées dans les États membres qui l’ont ratifiée en vue d’en faire une réalité juridique locale. Ceci implique la transposition du texte dans le droit national, l’élaboration de politiques à l’égard des personnes déplacées internes à tous les niveaux de gouvernement et le renforcement des capacités des institutions locales et nationales en charge de ces questions[140]. Bien que la Convention reste non contraignante pour un nombre important d’États membres, l’UA peut désormais s’en servir à des fins de plaidoyer et ainsi promouvoir la mise en œuvre des principes défendus par cet instrument dans tous les États membres.
La signature et la ratification à elles seules ne suffisent pas pour garantir les droits des personnes déplacées et des personnes susceptibles de l’être tels qu’énoncés dans la Convention de Kampala. Les États doivent poursuivre leurs efforts pour mettre en œuvre la Convention. Cette mise en œuvre comporte deux composantes : les États doivent tout d’abord modifier leur cadre juridique pour le rendre conforme à la Convention de Kampala, si nécessaire, en amendant les lois existantes ou en adoptant de nouvelles lois et politiques[141]. En second lieu, ils doivent respecter les lois et les politiques adoptées[142], c’est-à-dire qu’ils doivent agir pour protéger et garantir les droits des personnes déplacées.
Comme nous l’avons indiqué dans nos développements antérieurs s’agissant de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL)[143], un certain nombre d’États africains, dont l’Angola, le Burundi, le Libéria, l’Ouganda, la Sierra Leone et le Soudan disposent déjà de législations ou de politiques relatives aux personnes déplacées fondées sur la base des Principes directeurs de 1998 relatifs au déplacement interne. Celles-ci devront également être examinées afin de déterminer dans quelle mesure leurs dispositions sont conformes à la Convention de Kampala.
Pour les onze États qui sont également membres de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL)[144], l’examen du cadre juridique doit aussi tenir compte des obligations de protection et d’assistance aux personnes déplacées découlant du Pacte des Grands Lacs et de ses Protocoles. Cet exercice, encore appelé « audit juridique », comporte deux aspects. D’une part, il peut exister des lacunes dans les cadres juridiques, au sens où les lois et politiques nationales peuvent ne pas protéger certains des droits des personnes déplacées énoncés dans la Convention de Kampala. D’autre part, il peut exister des incohérences entre les cadres juridiques existants et la Convention de Kampala, soit parce que les lois nationales sont directement en contradiction avec certaines dispositions de la Convention, soit parce que les lois et politiques nationales créent des obstacles à la jouissance par les personnes déplacées des droits protégés par la Convention. Sur la base des informations relatives à ces lacunes et à ces contradictions, les États doivent légiférer pour modifier le cadre juridique afin que celui-ci soit conforme à la Convention de Kampala.
Outre l’indispensable adoption de mesures internes d’exécution de la Convention de Kampala, la mise en œuvre efficace de cette Convention doit nécessairement s’accompagner de mécanismes de contrôle et de suivi de l’engagement des États dans le domaine de la protection des personnes déplacées en Afrique. À ce niveau, les OSC africaines ont un rôle crucial à jouer.
B. Le nécessaire suivi de l’engagement des États dans l’application effective de la Convention de Kampala
L’élaboration de cadres juridiques nationaux conformes à la Convention de Kampala constitue à n’en point douter, une étape importante pour la mise en œuvre de la Convention et la protection des droits des personnes déplacées. Pour autant, quand bien même les lois et les politiques d’un pays reflètent parfaitement les droits et les obligations énoncés dans la Convention de Kampala, les cadres juridiques à eux seuls ne suffisent pas. Les lois et les politiques doivent être appliquées dans la pratique pour avoir un impact. C’est dans cette perspective que la Convention de Kampala prévoit l’établissement d’une Conférence des États parties chargée de suivre les engagements des États et d’examiner en temps voulu, la mise en œuvre des objectifs de la Convention[145]. Cette Conférence devrait permettre aux États de renforcer leurs capacités en matière de coopération et d’assistance mutuelle. Elle doit être convoquée « régulièrement » même si la Convention de Kampala n’indique pas ce que cela signifie en pratique. De plus, lorsqu’ils soumettent leurs rapports (en principe tous les deux ans) en vertu de l’article 62 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ratifiée par les 53 pays membres de l’UA, les États doivent indiquer les mesures d’ordre législatif ou autres qu’ils ont prises pour donner effet à la Convention[146]. Enfin, les États membres de l’UA qui ont adhéré au Mécanisme africain d’évaluation entre pairs (MAEP) doivent faire de même lorsqu’ils soumettent leur rapport au MAEP[147].
Force est d’admettre que ces modalités de contrôle des obligations sont minimales : sur ce point crucial du contrôle des obligations et de l’effectivité du droit, la Convention de Kampala demeure insuffisante. Or comme le souligne fort justement Christel Cournil, « le défi et la crédibilité de ce texte pionnier dépendront inévitablement de sa mise en œuvre par les États touchés par les déplacements internes forcés ; des États qui n’ont, pour la plupart, pas (ou pas encore) les moyens financiers et juridiques de rendre effectif cet instrument juridique »[148]. De surcroît, dans une première mouture du projet de Convention, il a été proposé de créer un poste de Haut commissaire au sein de l’Union africaine chargé des questions des droits des personnes déplacées internes. Toutefois, cette idée n’a malheureusement pas été retenue dans le processus de négociations ce qui aurait été très ambitieux pour le renforcement de la mise en œuvre des principes de la Convention de Kampala et leurs coordinations dans les États parties[149].
Certes, la Convention de Kampala attribue à l’UA un rôle de soutien aux États parties dans les efforts qu’ils déploient pour protéger et porter assistance aux personnes déplacées. À ces fins, elle coordonne la mobilisation des ressources ; collabore avec les organisations internationales, les agences humanitaires et les Organisations de la société civile (OSC) ; diffuse les informations à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission ADHP) ; coopère avec le Rapporteur spécial de la Commission ADHP pour les réfugiés, les personnes de retour, les personnes déplacées et les requérants d’asile[150] et organise la Conférence des États parties[151]. Mais pour éviter que toutes ces initiatives de l’UA ne se résument qu’à de simples « slogans incantatoires » comme il est de coutume sur le continent africain, il faudrait que celles-ci s’accompagnent d’une ferme volonté politique et d’un engagement manifeste à faire de la protection des personnes déplacées internes une réalité concrète en Afrique.
Dans ce sens, les OSC africaines ont un rôle fondamental à jouer pour s’assurer que les États prennent les mesures nécessaires à la mise en œuvre de la Convention. Étant donné que la Convention de Kampala innove du fait que certaines de ses dispositions prévoient explicitement un rôle pour les OSC africaines dans toutes les phases du déplacement, légitimant ainsi les activités menées par celles-ci depuis de nombreuses années[152], il est essentiel que ces OSC africaines puissent participer au suivi du respect de la Convention et de la protection des droits des personnes déplacées. À cet égard, s’agissant par exemple de la Conférence des États parties chargée de suivre les engagements des États parties[153], les OSC africaines pourraient explorer les possibilités d’utiliser l’ECOSOCC[154], ou le CCAR et le Sous-comité du COREP[155], comme plateformes pour porter à la connaissance de la Conférence des États parties des informations sur la mise en œuvre de la Convention.
De la même manière, c’est aux OSC africaines qu’il appartient le devoir de soutenir la fonction de surveillance dévolue à la Commission ADHP[156] tout au long du processus de rapport des États parties quant aux mesures d’ordre législatif ou autres qu’ils auraient édictées pour donner effet à la Convention, comme mentionné plus haut. Ce soutien pourrait prendre la forme d’une fourniture d’informations écrites à la Commission ADHP avant l’examen par cette dernière, du rapport des États afin de souligner les problèmes particuliers relatifs aux droits des personnes déplacées, y compris les rapports de violations, par ceux-ci, de leurs obligations découlant de la Convention de Kampala[157].
Pour finir, les OSC africaines pourraient également utiliser les divers mécanismes des Communautés économiques régionales (CER)[158] et du Parlement panafricain[159] pour assurer un suivi complet et adéquat de la mise en œuvre de la Convention de Kampala en Afrique subsaharienne.
Comme on le constate, la protection des personnes déplacées en Afrique devient une réalité à travers la redéfinition de la souveraineté comme capacité qu’induit le concept de sécurité humaine. En permettant ainsi de réduire l’écart existant entre le droit des réfugiés et le besoin de protection de toutes les personnes contraintes de se déplacer du fait de la guerre, de la violence ou des violations des droits de l’homme, l’action contemporaine des institutions internationales et africaines en faveur de la protection des personnes déplacées constitue une importante contribution à la sécurité humaine. Cette évolution dans la protection des personnes déplacées, si elle tend à mettre un terme aux crises humanitaires qui sévissent sur le continent africain, ne s’applique cependant qu’aux effets ou encore aux symptômes de celles-ci et non à leur cause. En ce sens, on pourrait être tenté d’affirmer que la protection des personnes déplacées ne participe qu’à une dynamique de prévention réactive des flux potentiels de réfugiés. Au-delà de cette affirmation, la meilleure façon de protéger les personnes déplacées ne résiderait-elle pas en fin de compte dans les actions qu’il conviendrait d’entreprendre pour faire en sorte que celles-ci ne soient jamais contraintes de fuir leur lieu de résidence habituelle ?
À travers cette dernière interrogation, c’est toute la problématique de la prévention des causes des déplacements forcés qui est posée. Aussi l’objectif visant « à libérer l’homme de la peur et du besoin » que poursuit la sécurité humaine peut-il contribuer à offrir des perspectives nouvelles pour une prévention efficace et durable des causes du phénomène des déracinements forcés de population en Afrique subsaharienne, qu’il conviendrait d’explorer.
[1] Voir Cohen (R.) and Deng (F.) (eds), Masses in Flight: The Global Crisis of Internal Displacement, Brookings Institution Press, Washington D C, Brookings Institution, 1998, pp. 73-125. Au mois de mars 2005, selon l’organisation Global IDP Project, l’Afrique comptait 13 millions de personnes déplacées, soit plus de la moitié des 25 millions alors recensées dans le monde (source : www.idpproject.org).
[2] Mangala Munuma (J.), « Les enjeux normatifs et institutionnels de la protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays », RBDI, 2000/2, p. 532 (p. 532-550).
[3] Dans son essence même, cette notion de sécurité humaine tend à renverser la conception communément admise des rapports existants entre le citoyen et l’État. Si, dans la conception classique de la sécurité, la légitimité et la souveraineté de l’État procèdent davantage du système international lui-même, à travers sa reconnaissance par les États tiers ; l’approche fondée sur la sécurité humaine renverse la logique de la souveraineté, en la fondant exclusivement sur la finalité ultime de la véritable « puissance de l’État » selon la théorie politique. Aux termes de celle-ci, les gouvernements sont les instruments des citoyens pour améliorer le bien-être de la population, et aucun gouvernement ne peut faire valoir sa légitimité, et partant, son droit à la souveraineté si ses activités portent atteinte à la dignité humaine. Voir dans ce sens, Gyandoh (S. O.), « Human Rights and the Acquisition of National Sovereignty », dans Jan Berting et al. (dir.), Human Rights in a Pluralist World, Westport (Connecticut), Greenwood, 1990, notamment p. 172. Pour une analyse du glissement d’une perspective étatique vers une perspective humaine de la sécurité, voir Commission on Human Security, Human Security Now, New York, United Nations Publications, 2003, p. 26, informations disponibles en ligne sur : www.humansecurity‑chs.org/finalreport/FinalReport.pdf, page visitée le 15 août 2013. Sur la définition opérationnelle du concept de sécurité humaine, voir la résolution 66/290 relative à la suite donnée au paragraphe 143 sur la sécurité humaine du Document final du Sommet mondial de 2005 (A/RES/290), 25 octobre 2012, voir également Broni (F. A), L’approche conceptuelle du déplacement forcé de population en Afrique subsaharienne à la lumière du droit international, Thèse de Droit public, Université de Poitiers, 2014, p. 25-30 (594 p).
[4] « Le concept hier absolu de souveraineté est rivalisé par celui de responsabilité. La souveraineté ne signifie plus seulement l’imposition du pouvoir, mais s’entend par la responsabilité de protéger un peuple sur son territoire », voir Organisation internationale de la francophonie, Délégation aux Droits de l’Homme et à la Démocratie, « Sécurité humaine : clarifications du concept et approches par les organisations internationales. Quelques repères », Document d’information, janvier 2006, p. 11. Voir également CIISE, La responsabilité de protéger, CRDI, 2001, p. 14 (120 p).
[5] Pour une synthèse intéressante sur cette dimension de l’« habilitation », inhérente au concept de sécurité humaine (ou la manière dont la sécurité humaine cherche à développer les capacités des personnes pour résister à l’adversité et réaliser leur potentiel (empowerment), voir Sadako (O), Empowering People for Human Security, Payne Lecture, Stanford (Calif.), Stanford University, 28 mai 2003. Cité par Aubin (L.), « Chapitre 6 — La sécurité humaine et l’UNHCR », in Guillaume Devin, Faire la paix, Presse de Sciences Po « Références », 2009, p. 149-171.
[6] Cela est d’autant plus vrai, surtout pour la Convention de l’Union africaine sur les déplacements internes. En effet, comme nous le verrons un peu plus loin dans nos développements, celle-ci bat en brèche la chape de la sacrosainte souveraineté des États en reconnaissant explicitement le rôle fondamental que doivent jouer les acteurs humanitaires tel le HCR, en matière de protection sur le terrain, mais également en instituant des obligations spécifiques à la charge des États et des acteurs armés non étatiques dans le domaine de la prévention et de la protection des déplacements internes. Ce que réitère à juste titre, Antonio Guterres, l’actuel Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, lorsqu’il affirmait que : « cette Convention représente le concept de la responsabilité de protection en action. Elle démontre que la souveraineté nationale est pleinement compatible avec la responsabilité de protection ». Sur ce dernier point, voir Conférence de clôture du Haut commissaire à propos de la Convention de Kampala : http://www.unhcr.fr. Site web du HCR consulté le 20 juin 2013. Par le terme « personnes déplacées », la Convention de Kampala de 2009 qui reprend mot pour mot le contenu des Principes directeurs des Nations unies de 1998 sur le déplacement interne, entend : « des personnes ou des groupes de personnes qui ont été forcés ou contraints à fuir ou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituelle, en raison d’un conflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits de l’homme ou de catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme ou pour en éviter les effets, et qui n’ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d’un État », Voir Principes directeurs relatifs au déplacement des personnes à l’intérieur de leur propre pays, Doc. off. CES N U, 54e sess., Doc. NU E/CN.4/1998/53/.add. 2 (1998), § 2, introduction. Voir également article 1 (k) de la Convention de Kampala sur le déplacement interne en Afrique.
[7] Voir Cohen (R.) and Deng (F.), Masses in Flight…, op. cit., p. 73‑125.
[8] L’exception à cet égard serait la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989, aujourd’hui ratifiée par 191 États sur les 193 reconnus par l’ONU. Seuls les États-Unis, la Somalie et le Sud-Soudan ne sont pas parties à ce traité.
[9] « Les situations de troubles intérieurs sont celles où, sans qu’il y ait à proprement parler de conflit armé non international, il existe cependant sur le plan interne, un affrontement qui présente un certain caractère de gravité ou de durée et comporte des actes de violence. Ces dernières peuvent revêtir des formes variables, allant de la génération spontanée d’actes de révolte à la lutte entre des groupes plus ou moins organisés et les autorités au pouvoir. Dans ces situations, qui ne dégénèrent pas nécessairement en lutte ouverte, les autorités au pouvoir font appel à de vastes forces de police, voire aux forces armées, pour rétablir l’ordre intérieur », cité par Tall (S.), Théories et réalités du droit international humanitaire…, op. cit., p. 220. Voir également Eide (A.), Troubles et tensions intérieures, in Dimensions internationales du Droit humanitaire, Paris, UNESCO, 1986, pp. 279-295.
[10] Quant aux tensions internes, il peut s’agir, soit de situations de tensions graves sur le plan politique, religieux, social ou économique, soit de séquelles d’un conflit armé ou de troubles intérieurs. Ces situations présentent les caractéristiques suivantes : arrestations massives, nombre élevé de détenus de sécurité, torture et mauvais traitements, suspension de garanties judiciaires fondamentales, disparitions, actes de violence, mesures restrictives de liberté à grande échelle, « … ». Voir dans ce sens Harrof-Tavel (M.), L’action du CICR face aux situations de violence interne, RICR, n° 801, mai-juin 1993, p. 211-237 ; Balguy-Gallois (A.), « Droit international et protection de l’individu dans les situations de troubles intérieurs et de tensions internes », Thèse, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2003, p. 165-198.
[11] Tel est le cas de l’art. 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.
[12] Voir art. 15 de la CEDH, art. 4 du Pacte de 1966, art. 27 de la CADH. Cf., Meyer-Bisch (P.) (éd.), Le noyau intangible des droits de l’homme, actes du VIIe Colloque interdisciplinaire sur les droits de l’homme, Fribourg, Éditions Universitaires, 1991, 272 p ; Prémont (D.), Stenersen (C.), Oseredczuk (I.) (éd.), Droits intangibles et États d’exception, Bruylant, Bruxelles, 1996, xxvii-644 p. Ce noyau dur est fort limité puisqu’il est constitué seulement de quatre droits : le droit à la vie, l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’interdiction de l’esclavage et de la servitude et du travail forcé ou obligatoire, ainsi que le principe de la légalité des délits et des peines. Le noyau dur se situe au rang des « considérations élémentaires d’humanité », selon l’expression utilisée par la CIJ dans son arrêt du Détroit de Corfou et dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, voir respectivement, Rec. CIJ 1949, p. 22 et Rec. CIJ 1996-I, p. 257, par. 79.
[13] Hakata (K.), « Vers une protection plus effective des « personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays » », RGDIP, n° 3, 2002, p. 624 (p. 619‑643).
[14] Voir Commission des droits de l’homme, Résolutions 1996/52 (1996) et 1997/39 (1997).
[15] Voir dans ce sens, Cournil (C.), L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées internes, Revue québécoise de droit international, volume 22, n° 1, 2009, p. 6 (p. 1-25).
[16] Pour sa part, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a nommé un Rapporteur spécial pour les réfugiés et les personnes déplacées en décembre 2004.
[17] Voir Cohen (R.) et Deng (F.), « Genèse et défis », in Revue des migrations forcées, Hors-série, déc. 2008, p. 4 (p. 3‑40), consultable en ligne sur : http://www.fmreview.org/fr/pdf/GP10/full.pdf, page visitée le 7 juin 2013.
[18] Idem.
[19] Mubiala (M.), « Les mécanismes des droits de l’homme des Nations unies et la condition du réfugié, avec une attention spéciale à l’Afrique », RADIC, vol. 11, 1999, p. 681-682.
[20] E/CN.4/1996/52/Add. 2. Parmi ces experts, on retrouve : Walter Kälin de la Faculté de droit de l’Université de Berne (Suisse), Manfred Nowak du Ludwig Boltzmann Institute of Human Rights (Vienne, Autriche) et Robert Goldman du Washington College of Law de l’American University (Washington DC, États‑Unis). Voir dans ce sens, Cournil (C.), L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées internes, op. cit., p. 6.
[21] Voir Further promotion and encouragement of human rights and fundamentals freedoms, including the question of the programme and the methods of work of the commission: human rights, masses exodus and displaced persons, Doc. Off. CES, NU 51e sess., Doc. NU E/CN.4/1996/52/Add.2 (1996).
[22] Voir Action visant à encourager et développer davantage le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et, notamment, question du programme et des méthodes de travail de la Commission : droit de l’homme, exodes massifs et personnes déplacées, Doc. Off. CES, NU 54e sess., Doc. NU E/CN.4/1998/53/Add.1 (1998).
[23] De Mello (S.), « Avant propos relatifs aux Principes directeurs », disponible sur : www.idpguidingprinciples.org.
[24] Voir Mubiala (M.), La mise en œuvre du droit des réfugiés et des personnes déplacées en Afrique : Problématique et perspectives, Bruylant, Bruxelles, 2006, p. 62 (150 p). Sur les notions du droit au retour et de la réintégration, voir, BRONI (F. A), L’approche conceptuelle du déplacement forcé de population en Afrique subsaharienne à la lumière du droit international, op. cit., p. 25-30 .
[25] Cournil (C.), L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées internes, op. cit., p. 7 ; Bagshaw (S.), « Responding to the Challenges of Internal Forced Migration : The Guiding Principles of Internal Displacement », dans Ryszard (I. C.), Perruchoud (R.) et Macdonald (E.) (dir.), International Migration Law : Developping Paradigms and Key Challenges, La Haye, T.M.C asser, 2007, p. 189 ; Mangala Munuma (J.), Les enjeux normatifs et institutionnels de la protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, op. cit., p. 538‑539.
[26] Ceci, pour la simple raison que les Principes directeurs ne relèvent pas d’entrée de la règle de droit dur « hard law » dont le but essentiel est d’exprimer un commandement, une habilitation ou une interdiction pour son destinataire. Pour ainsi dire, leur juridicité quelque peu imprécise que l’on rattache au soft law ou encore au « droit mou », peut être sujet à caution, surtout lorsqu’ils se situent comme dans le cas d’espèce, à la lisière de la frontière des actes unilatéraux d’Organisations internationales et de la coutume. Voir dans ce sens, Dupuy (P.‑M.), Droit international public, Dalloz, 9e édition, Paris, 2008, p. 413-415, 879 p.
[27] Kälin (W.), « L’avenir des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays », in numéro spécial Revue des migrations forcées, vol. 4, 2007, p. 5 (p. 3-32). Article consultable en ligne sur : http://www.fmreview.org/fr/pdf/Brookings/Mettre%20en%20lumiere.pdf, page visitée le 7 juin 2013.
[28] Cf., document E/CN.4/1999/79, paragraphe 14 à 34. Pour un examen détaillé de la position de nombreux États, Organisations internationales et ONG sur les Principes directeurs, voir Bagshaw (S.) « Internally Displaced persons at the Fifty-Four Session of the United Nations Commission of Human Rights, 16 March-24 April 1998 », International Journal of Refugee Law, 1998, pp. 548-556.
[29] Résolution 54/167 de l’Assemblée générale du 25 février 2000, relative à la Fourniture d’une protection et d’une assistance aux personnes déplacées dans leur propre pays. À côté de cette résolution, un nombre croissant de résolutions et de documents de l’ONU font également référence aux principes. Parmi ceux-ci, on compte des rapports sur la protection des enfants touchés par les conflits armés, des rapports du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la Déclaration du millénaire des Nations unies, ou encore le rapport sur la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Voir dans ce sens, Ferris (E.), « Évaluer l’impact des Principes : une tâche inachevée », Hors série Revue des migrations forcées, décembre 2008, p. 10. Article disponible en ligne sur : http://www.fmreview.org/fr/pdf/GP10/full.pdf, page consultée le 4 décembre 2014.
[30] Résolution 1999/47 du 27 avril 1999 de la Commission des droits de l’homme, relative aux Personnes déplacées dans leur propre pays.
[31] Voir Cournil (C.), L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées internes, op. cit., p. 10.
[32] Organisation des États américains, Commission interaméricaine des droits de l’homme, troisième rapport sur la situation des droits de l’homme en Colombie, chapitre VI, document OEA/Ser.L/V/II.102, document 9 Rev.1, 26 février 1999. Par ailleurs, la même OEA a adopté en 2008, une résolution sur les déplacés internes en se référant aux Principes directeurs. Voir dans ce sens, OÉA, Assemblée générale, 4e sess., Internally displaced persons, Doc off. OEA/AG/RES. 2417 (XXXVIII‑O/08) (2008).
[33] Voir Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance des personnes déplacées en afrique, en ligne sur le site web de l’UA : www.africa‑union.org/root/au/Documents/Treaties/text/Convention%20on%20IDPs_Fr.pdf. Pour de plus amples informations à propos de cette Convention, voir nos développements à venir infra la Section suivante.
[34] Voir principes 5 à 9.
[35] Kälin (W.), « Guiding Principles on internal displacement: annotations », from : Studies in Transnational Legal Policy, 2000, n° 32, published by The American Society of International Law and The Brookings Institution Project on Internal Displacement, 2000, p. 13 (75 p).
[36] Principe 5 des Principes directeurs.
[37] Kälin (W.), « Guiding Principles on internal displacement: annotations », op. cit., p. 13.
[38] Diomandé (A.), Le statut juridique de l’enfant dans les conflits armés, Thèse pour le doctorat en droit, Université de Poitiers, novembre 2010, p. 167 (407 p).
[39] Principe 6 (1).
[40] Sur la Convention de Kampala de 2009 relative aux déplacements internes en Afrique, voir nos développements à venir dans la deuxième partie de ce présent article.
[41] Sur le droit à ne pas être déplacé, voir BRONI (F. A), L’approche conceptuelle du déplacement forcé de population en Afrique subsaharienne à la lumière du droit international, op. cit., p. 311 et s.
[42] Voir Stravropoulou (M.), « The right not to be displaced », American University Journal of International Law and Policy, Vol. 9, n° 3, 1994. Voir également, Goodwin‑Gill (G. S.), « The right to leave, the right to return and the question of a right to remain », in Gowland‑debbas (V.) (Ed.), The problem of refugees in the light of contemporary international law issues, The Hague, Martinus Nijhoff, 1996, p. 93‑108 ; Kälin (W.), « The Guiding Principles on Internal Displacement – Introduction », International Journal of Refugee Law, 1998, p. 557-562.
[43] www.icrc.org/dih.nsf, Commentaires relatifs à l’article 17 PAII, § 4853.
[44] Idem.
[45] Paragraphe 3 du principe 6.
[46] Kälin (W.), « Guiding Principles on internal displacement: annotations », op. cit., p. 19.
[47] Mooney (E.), « Bringing the end into sight for internally displaced persons », in FMR, n° 7, May 2003, p. 4‑7.
[48] Sur les zones protégées, voir BRONI (F. A), L’approche conceptuelle du déplacement forcé de population en Afrique subsaharienne à la lumière du droit international, op. cit., p. 364 et s.
[49] Principes 9. Les études sur le déplacement forcé montrent que ce phénomène entraîne une déstructuration sociale qui laisse souvent de profonds traumatismes au sein de ces populations. Cohen (R.) and Deng (F.), Masses in Flight : The Global Crisis…, op. cit., p. 102-106.
[50] Kälin (W.), « Guiding Principles on internal displacement : annotations », op. cit., p. 22.
[51] Principe 8.
[52] Kälin (W.), « Guiding Principles on internal displacement: annotations », op. cit., p. 25. L’auteur rappelle que la liste énoncée au principe 10 est non exhaustive.
[53] Diomandé (A.), op. cit., p. 170.
[54] Selon l’article 51 du PAI, les attaques indiscriminées sont celles qui ne sont pas dirigées contre un objectif militaire déterminé et utilisant des moyens et méthodes de combat qui ne permettent pas de diriger les attaques contre des objectifs militaires.
[55] Principe 10, § 2, al. (a).
[56] La même logique se retrouve au principe 17 qui, partant du droit au respect de la vie familiale, énonce un certain nombre de droits connexes sur le regroupement familial et la non-séparation des familles.
[57] Principe 15, point (d).
[58] Principes25 (1) et (2). Ces principes rejoignent ceux dégagés par l’AGNU dans sa résolution 46/182 du 19 décembre 1991 portant création du poste de Coordonnateur des secours d’urgence.
[59] Principe 26.
[60] UNICEF, « La guerre au Darfour tue 75 enfants par jour », page consultée le 9 août 2013 sur www.unicef.fr.
[61] Pour les besoins de cette étude, nous limiterons notre analyse seulement au contexte de mise en œuvre des Principes directeurs dans le cadre national et sous-régional africain. Nous occulterons donc volontairement les mécanismes de mise en œuvre des Principes directeurs initiés par les Nations unies en Afrique. Sur cette dernière question, se référer notamment à Mubiala (M.), La mise en œuvre…, op. cit., p. 63‑66.
[62] Cournil (C.), L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées internes, op. cit., p. 9.
[63] Sur la législation angolaise fondée sur les Principes directeurs, voir Conselho de Ministros, Decreto n° 1/01, « Normas sobre o reassentamento das populações deslocados », Diários da República, I Série-n° 1, 5 janvier 2001.
[64] Le Burundi a adopté le 7 février 2001, un Protocole relatif à la création d’un cadre permanent de concertation pour la protection des personnes déplacées. Conformément au Protocole, la mission du cadre est de servir de cadre de consultation entre le gouvernement et les agences humanitaires en vue de l’échange d’information et de l’adoption de mesures préventives pour la protection des personnes déplacées. Elle a également pour mission de créer des mécanismes d’intervention rapide, y compris des missions conjointes sur le terrain, d’observer les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans les camps et de s’assurer que les mesures pour y répondre sont prises ; ainsi que de diffuser les principes directeurs relatifs au déplacement à l’intérieur de leur propre pays. Voir dans ce sens, Mubiala (M.), La mise en œuvre…, op. cit., p. 67.
[65] Voir, The Republic of Uganda, The National Policy for Internally Displaced Persons, Kampala, Office of the Prime Minister (Department of Disaster Preparedness and Refugees), août 2004.
[66] Voir dans ce sens, Document de l’ECOSOCC de l’UA, Rendre la Convention de Kampala opérationnelle pour les personnes déplacées, juillet 2010, p. 9, accessible en ligne sur : http://www.internal‑displacement.org/8025708F004BE3B1/(httpInfoFiles)/30451CC2D922916AC12577C30055210C/$file/AU_guide_FR.pdf, page consultée le 20 août 2013.
[67] Ibid., p. 10.
[68] La Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique codifie cette pratique en demandant aux États de désigner une autorité ou un organe national en charge des déplacements internes et de la coopération avec les OSC (voir art. 3 (2) (b) de cette Convention).
[69] Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, « Briefing by the Secretariat on Recent Activities of Thematic Special Procedures, 10th Meeting of Special Procedures Mandate-Holders », Genève, 30 septembre 2003, p. 6.
[70] Nations unies, « Groupes et individus particuliers : exodes massifs et personnes déplacées. Rapport du Représentant du Secrétaire général chargé de la question des personnes déplacées dans leur propre pays, M. Francis Deng, présenté en application de la résolution 2002/56 de la Commission des droits de l’homme », E/CN.4/2003/86, 21 janvier 2003, p. 12‑13.
[71] Rodgers (G.), « Another Talkshop or Seeds of an Effective Southern African IDP Policy ? », Forced Migration Review n° 24, novembre 2005, p. 74, cité par Mubiala (M.), La mise en œuvre…, op. cit., p. 69.
[72] Ces États comprennent entre autres : l’Angola, le Burundi, la République centrafricaine, la République du Congo, la République démocratique du Congo (RDC), le Kenya, le Rwanda, le Soudan, la Tanzanie, l’Ouganda et la Zambie.
[73] En plus du Pacte lui-même qui en constitue l’instrument principal, le Pacte des Grands Lacs comprend la Déclaration de Dar es-Salaam sur la Paix, la Sécurité, la Démocratie et le Développement dans la région des Grands Lacs, dix Protocoles, quatre programmes d’action et un ensemble de mécanismes d’application et d’institutions (y compris le Fonds Spécial pour la Reconstruction et le Développement — FSRD). Ces instruments reflètent un ensemble d’engagements ambitieux pris par les États signataires sur des questions allant de l’intégration économique, à la défense et du développement aux droits de l’homme. Voir sur ce point, la Conférence internationale sur la Paix, la Sécurité, la Démocratie et le Développement dans la région des Grands Lacs, Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs, Nairobi, 14 au 15 décembre 2006. Le texte complet du Pacte et tous les Protocoles sont disponibles en ligne sur www.lse.ac.uk/collections/law/projects/greatlakes/ihl‑greatlakes.html, page consultée le 20/08/2013.
[74] En juin 2008, le Pacte avait été ratifié par le Burundi, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Kenya, la République du Congo, le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda, et la Zambie.
[75] L’adoption de ces deux Protocoles constitue un signe important de reconnaissance par les États membres du lien crucial existant entre la protection des personnes déplacées de force et la paix, la sécurité et le développement dans la région des Grands Lacs. Avec le Protocole sur la prévention et la répression de la violence sexuelle contre les femmes et les enfants, ces deux Protocoles représentent le pilier humanitaire et social du Pacte. Étant donné le caractère généralisé de la violence sexuelle dans les conflits de la région, les femmes et les enfants déplacées sont susceptibles d’être victimes de ce type de violence avant, pendant ou après la fuite. Ce Protocole est donc particulièrement pertinent pour un nombre très élevé de personnes et de familles déplacées pour cette région des Grands Lacs. Voir dans ce sens, Document de l’ECOSOCC de l’UA, Rendre la Convention de Kampala opérationnelle…, op. cit., p. 10‑13.
[76] Dubernet (C.), « Du terrain au droit, du droit sur le terrain ? Origines et trajectoires du label « déplacé interne » », Esquisse n° 11, septembre 2007, en ligne sur : Terra http://terra.rezo.net/article644.html, page consultée le 22 août 2013.
[77] Ce projet a été conjointement exécuté par la Brookings Institution (Washington) et l’Université de Berne (Project on Internal Displacement). Voir Brookings Institution‑Université de Berne, Faire face au problème du déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays : cadre normatif précisant les responsabilités des États, Projet sur le déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, (avril 2005), disponible en ligne sur : Brookings Institution http://www.brookings.edu/reports/2005/04_national_responsibility_framework.aspx.
[78] Le projet Brookings‑Berne identifie les douze mesures suivantes : 1) Prévenir les déplacements et réduire leurs effets nocifs ; 2) Développer une campagne nationale de sensibilisation sur le problème ; 3) Recueillir des données sur le nombre et l’état des personnes déplacées internes ; 4) Soutenir une formation concernant les droits des personnes déplacées internes ; 5) Créer un cadre juridique pour promouvoir les droits des personnes déplacées internes ; Cadre normatif précisant les responsabilités des États ; 6) Formuler une politique nationale concernant le déplacement de personnes à l’intérieur du pays ; 7) Désigner un point focal institutionnel pour les personnes déplacées internes ; 8) Encourager les organismes nationaux de défense des Droits de l’homme à intégrer le problème du déplacement de personnes à leur travail ; 9) S’assurer de la participation des personnes déplacées au processus de prise des décisions les concernant ; 10) Appuyer les solutions durables ; 11) Allouer des ressources adéquates à la solution du problème ; 12) Coopérer avec la communauté internationale quand les capacités nationales sont insuffisantes. Voir dans ce sens, Adressing Internal Displacement : A Framework for National Responsibility, Berne/Washington, The Brookings Institution/ University of Bern, April 2005, p. 5‑6.
[79] Voir aussi International Law Association, Declaration of International Law Principles of Internally Displaced Persons, 29 juillet 2000, en ligne sur : UNHCR http://www.unhcr.org/refworld/docid/42808e5b4.html, page visitée le 22 août 2013.
[80] Voir dans ce sens, Cournil (C.), L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées internes, op. cit., p. 12.
[81] Inter Agency standing Committee, Mise en œuvre de l’action concertée face aux situations de déplacement interne : Directives pour les coordinateurs humanitaires et/ou résidents et les équipes de pays des Nations unies, septembre 2004. Document disponible en ligne à l’adresse url suivante : Inter Agency standing Committee http://www.humanitarianinfo.org/iasc/pageloader.aspx ?page=content‑products‑products&sel=10, page visitée le 22 août 2013.
[82] En particulier la base de données de l’Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC) ainsi que celle de l’OCHA.
[83] L’article 9 de ce statut dispose toutefois que « le Haut-Commissaire s’acquitte de toute fonction supplémentaire que pourra prescrire l’Assemblée générale […] dans les limites des moyens dont il dispose ». Sur le Statut de l’Office du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, voir supra note 333 de ce présent travail.
[84] Feller (E.), « Opportunités et défis du rôle de l’UNHCR dans la protection des personnes déplacées », Hors série Revue des migrations forcées, 2007, op. cit., p. 11.
[85] Cohen (R.), L’élargissement du rôle du HCR aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, Revue des Migrations Forcées, Supplément décembre 2005, p. 9-11 (p. 4-32), accessible en ligne sur : http://www.fmreview.org/fr/pdf/IDPSup/idpsup.pdf, page visitée le 12 août 2013.
[86] Eschenbächer (J.‑H.), Comment assurer un meilleur fonctionnement du système d’action concertée, Revue des Migrations Forcées, Supplément décembre 2005, p. 15‑16 ; Charny (J.), « La nécessité d’une nouvelle approche face aux déplacements internes », Revue des Migrations Forcées, Supplément décembre 2005, op. cit., p. 20-21.
[87] Cournil (C.), L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées internes, op. cit., p. 13.
[88] Ibidem.
[89] Ibid.
[90] Ferris (E.), « Évaluer l’impact des Principes : une tâche inachevée », op. cit., p. 10.
[91] Deng (F.) and McNamara (D.), « International and national responses to the plight of IDPs », in FMR, n° 10, April 2001, p. 24-27, article disponible en ligne sur : http://www.fmreview.org/FMRpdfs/FMR10/fmr10.9.pdf, page visitée le 12 août 2013.
[92] Préambule de la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées.
[93] L’Union africaine a été créée en 2002 à Durban (Afrique du Sud) en application de la déclaration de Syrte (Libye) en date du 9 septembre 1999. Elle constitue, à ce titre, l’institution panafricaine qui a remplacé l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Elle est l’institution fondamentale et la principale organisation du continent dans le domaine de la promotion de l’intégration socio‑économique du continent en vue du renforcement de l’unité et de la solidarité entre les pays et les peuples africains. Consulté sur le site officiel de l’Union africaine le 15 décembre 2011, www.Africa‑union.org.
[94] Le nombre de déplacés internes en Afrique, plus ou moins 13 millions sur un total mondial de 26 millions, est cinq fois supérieur au nombre de réfugiés africains, c’est‑à‑dire les personnes ayant traversé une frontière internationale. Il ya davantage de déplacés internes dans 5 pays africains (Algérie, République Démocratique du Congo, Somalie, Soudan et Ouganda) qu’il n’y a de réfugiés dans le reste du monde, d’après les données de l’Internal Displacement Monitoring Centre (www.internal‑displacement.org), site web de l’Observatoire des situations de déplacements internes consulté le 12 février 2011.
[95] Au cours des cinq dernières années, le texte de la Convention a évolué par le biais d’échanges au sein d’un groupe d’experts et, plus récemment, avec les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Union africaine (UA) ainsi que des organisations de la société (OSC) (cf., Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), http://www.fidh.org, site web consulté le 12 février 2011). Tout commença en effet, en juillet 2004, lorsque le Conseil exécutif de l’UA avait entrepris d’élaborer un cadre juridique pour la protection des droits des personnes déplacées en Afrique, cela, en respect de ces initiatives et du principe selon lequel, les problèmes de l’Afrique nécessitent des « solutions africaines ». Deux ans plus tard, un projet de Convention sur les personnes déplacées a été soumis lors d’une Conférence ministérielle à Ouagadougou (Burkina Faso). Après une série de réunions des États membres et de consultations avec la société civile africaine et les partenaires internationaux, le projet de Convention sur les personnes déplacées a été approuvé au cours d’une réunion ministérielle en novembre 2008. Ce projet a ensuite été débattu lors d’une réunion de l’UA et des organisations de la société civile (OSC) en mi‑octobre 2009. La semaine suivante, les États membres adoptaient le texte final de la Convention de Kampala sur la protection et l’assistance des personnes déplacées en Afrique.
[96] Pour ce qui concerne le Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la Région des Grands Lacs, voir nos développements antérieurs supra note 1564.
[97] Tels que l’accès à la nourriture, à un logement adéquat, aux soins de santé et à l’éducation, y compris leur droit de choisir librement où reconstruire leur vie (en rentrant dans leur foyer d’origine ou en s’installant dans d’autres parties du pays).
[98] Voir Préambule et article 2 de la Convention de Kampala.
[99] Article 4 (1) de la Convention de Kampala. Dans la même veine, l’article 3 (1) (a) de cette Convention rappelle que « Les États parties s’engagent à […] s’abstenir de pratiquer, interdire, prévenir le déplacement arbitraire des populations ».
[100] Voir article 4 (2) de la Convention de Kampala.
[101] Déjà interdits par le droit international humanitaire et qualifiés par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale comme « un crime contre l’humanité » à l’article 7 (2) (d).
[102] L’article 1 de la Convention de Kampala définit les pratiques néfastes comme « tous comportements, attitudes et/ou pratiques qui affectent négativement les droits fondamentaux des personnes, tels qu’entre autres le droit à la vie, à la santé, à la dignité, à l’intégrité mentale et physique et à l’éducation ».
[103] Cf., article 4 (4) de la Convention de Kampala.
[104] Dans le cas de projets de développement ou autres, les États doivent s’assurer que les alternatives réalisables sont explorées, que l’impact socio‑économique et environnemental est évalué et que les personnes susceptibles d’être déplacées sont informées et consultées. A contrario, en l’absence de toutes ces garanties, de telles situations peuvent également donner lieu à des déplacements arbitraires interdits par la Convention. Voir dans ce sens, l’article 10 de la Convention de Kampala. Pour de plus amples développements sur la question des déplacements liée aux projets de développements, voir dans ce sens Mubiala (M.) & Duchatellier (M.), « La Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique : une codification régionale des Principes directeurs des Nations unies relatifs au déplacement de populations », Annuaire africain de droit international, vol. 18/1, décembre 2013, p. 389-411 (plus précisément, p. 397 et ss). De plus, la Convention interdit singulièrement aux membres des groupes armés de « procéder à des déplacements arbitraires » (article 7 Convention de Kampala) de la population. Une telle interdiction faite aux groupes armés est d’une importance particulière dans la mesure où ce sont ces derniers qui pratiquent au sein de la population civile des politiques de terreur qui les conduisent à quitter leur foyer. Sur ce dernier point, voir Nyanduga (B.), « Addressing IDP protection in Africa », in FMR, supplement October 2005, p. 24. L’auteur souligne que les atrocités commises par les milices armées et les groupes paramilitaires sont responsables dans une large mesure des déplacements de population en Afrique.
[105] Voir article 3 (1) (h) de la Convention de Kampala.
[106] Article 3 (1) (g) de la Convention de Kampala.
[107] Voir interview de Angela Gussing en date du 12 novembre 2009 relative aux « personnes déplacées à l’intérieur de leur pays : défis et solutions », disponible en ligne sur le site du CICR : www.icrc.org. Page consultée le 2 septembre 2013.
[108] C’est le cas des peuples indigènes ou des bergers nomades. Voir dans ce sens, Stravropoulou (M.), « La Convention de Kampala et la protection contre le déplacement arbitraire », in Revue des Migrations Forcées, n° 36, 2012. Cet article est disponible en ligne sur : http://www.migrationforcee.org/RDCongo/stavropoulou.htm, page consultée le 2 septembre 2013.
[109] Voir article 4 para. 6 de la Convention de Kampala.
[110] Voir www.icrc.org, « L’intervention humanitaire lors de conflits armés et d’autres catastrophes », document de référence de la XXVIIe conférence internationale de la Croix‑Rouge et du Croissant‑Rouge du 31 octobre au 6 novembre 1999, cité par Diomandé (A.), op. cit., p. 178.
[111] Article 7 de la Convention de Kampala sur les déplacés internes : « les dispositions du présent Article ne peuvent d’aucune manière être interprétées comme accordant un statut juridique ou une reconnaissance légale aux groupes armés ». Il faut bien comprendre que le fait d’imposer des obligations à des autorités de fait comme les groupes armés non‑étatiques vise uniquement à assurer la protection des populations qui se trouvent sous leur contrôle. Les États ayant en général tendance à réprimer les groupes armés qui se sont insurgés contre leur gouvernement, l’article 7 de la Convention de Kampala fait remarquer d’emblée à son paragraphe premier que le fait d’imposer des obligations aux groupes armés n’a pas pour effet d’exonérer la responsabilité pénale individuelle de chaque membre du groupe.
[112] Article 7 (3) de la Convention de Kampala.
[113] Voir l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 7 de la Convention de Kampala.
[114] En effet, leurs actions sont souvent entravées par des actes de violence contre leur personnel (voir « L’intervention humanitaire lors de conflits armés et d’autres catastrophes », op. cit. point 12. Voir également, la résolution 1769 sur la situation au Darfour, (S/RES/1769 (2007)) du 31 juillet 2007, p. 2‑3). Pour illustrer nos propos, en 2008 par exemple, 260 travailleurs humanitaires ont été tués ou blessés dans des attaques violentes. Voir dans ce sens, Barber (R.), « Facilitating Humanitarian assistance in international humanitarian and human rights », in RICR, vol. 91, n° 874, 2009, p. 373 (p. 371‑397).
[115] Voir l’alinéa c du paragraphe 5 de l’article 7 de la Convention de Kampala.
[116] CICR, « La famine et la guerre », extrait de la protection des populations civiles en période de conflit armé, conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 15 septembre 1995.
[117] Article 7 (5) (d) de la Convention de Kampala de 2009 sur les déplacements internes.
[118] Article 7 (5) (e) de la Convention de Kampala de 2009 sur les déplacements internes. Contrairement aux Principes directeurs des Nations unies sur le déplacement interne de 1998, la Convention de Kampala donne une définition de l’enfant. À l’instar de la Charte africaine des droits de l’homme et du bien-être de l’enfant, un enfant s’entend selon cet instrument, comme « tout être humain âgé de moins de dix-huit ans », voir article premier alinéa h de la Convention de Kampala.
[119] Voir alinéa f de l’article premier de la Convention de Kampala.
[120] Conseil économique et social des Nations unies, Commission des droits de l’homme, Rapport du Haut commissaire, « Formes contemporaines d’esclavages : le viol systématique, l’esclavage sexuel et les pratiques analogues à l’esclavage en période de conflit armé », 27 juin 2000, § 9, document E/CN.4/Sub.2/2000/20.
[121] Article 7 (4) de la Convention de Kampala.
[122] Art. 5 (1) Convention de Kampala. Il convient ici de remarquer que cet article consacre à la fois, le respect des souverainetés étatiques, d’intégrité du territoire et le « principe de la responsabilité première de protéger » dans un instrument contraignant pour les déplacés internes en Afrique.
[123] Article 5 (5) Convention de Kampala.
[124] Voir les articles 3, 4, 5, 7, 9, 10 et 11 de la Convention de Kampala.
[125] Article 9 (2) (b) Convention de Kampala.
[126] The Sphere Project, Humanitarian Charter and Minimum Standards in Disaster Response, Genève, The Sphere Project, 2004. Le projet Sphère a été lancé en 1997 par un grand nombre d’agences humanitaires. Il constitue une sorte de Charte humanitaire sur des normes minimales universelles dans les domaines de l’assistance humanitaire (normes sur l’approvisionnement en eau, l’aide alimentaire, l’aménagement des abris, les soins d’urgence, etc.)
[127] Article 9 (2) (c) Convention de Kampala. Ces personnes ci-dessus mentionnées doivent être en vertu du droit international humanitaire, parmi les premières à recevoir secours et assistances.
[128] Article 9 (1) (d) Convention de Kampala.
[129] Article 9 (2) (f) de la Convention de Kampala.
[130] Une telle situation est à rapprocher du problème de la militarisation des camps de réfugiés, à propos du duquel nous avons déjà consacré d’abondants développements dans la Première partie de ce travail.
[131] Voir Articles 3 (1) (j) et 5 (7) Convention de Kampala. En parallèle, la Convention de Kampala exige des organisations internationales et des agences humanitaires qu’elles agissent conformément au droit international et aux lois du pays dans lequel elles opèrent, qu’elles respectent les droits des personnes déplacées en vertu du droit international et qu’elles mènent des activités en conformité avec les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance des acteurs humanitaires dans le respect des normes et codes de conduite internationaux (article 6 Convention de Kampala). Sur la responsabilité spécifique des organisations internationales et des agences humanitaires, voir dans ce sens, Mubiala (M.) & Duchatellier (M.), « La Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique : une codification régionale des Principes directeurs des Nations unies relatifs au déplacement de populations », op. cit., p. 400 et ss.
[132] Voir les articles 5 (6) et 5 (7) de la Convention de Kampala.
[133] Voir Convention de Kampala, article 11 (1). Les solutions durables aux problèmes des personnes déplacées internes s’apparentent à celles préconisées pour les réfugiés à la différence près que « Les États parties permettent aux personnes déplacées de faire un choix libre et en toute connaissance de cause sur leur retour, leur intégration locale ou leur réinstallation. Ils les consultent sur toutes les options possibles, et s’assurent de leur participation à la recherche de solutions durables » (voir article 11 (1) de la Convention de Kampala).
[134] Ibid., article 12.
[135] Ibid., articles 8 (1) et 8 (2) respectivement.
[136] Après le Swaziland, quatre autres États africains ont procédé récemment au dépôt de leurs instruments de ratification. Ce sont dans l’ordre : le Mali (26/11/2012), le Rwanda (31/01/2013), le Malawi (29/05/2013), l’Angola (14/06/2013).
[137] Voir dans ce sens, la liste des pays africains ayant ratifié la Convention de Kampala au 17 juin 2013. Cette liste de pays est disponible en ligne sur le site web de l’Union africaine à l’adresse suivante : http://www.au.int/en/sites/default/files/Convention%20on%20IDPs%20‑%20displaced…pdf, page consultée le 10 septembre 2013.
[138] Ibid., toutefois, même si ces États ne sont pas juridiquement contraints d’appliquer la Convention de Kampala, il n’en demeure pas moins qu’en la signant, ceux‑ci expriment par là leur accord vis-à-vis de son contenu et leur engagement à l’égard des droits et du bien-être des personnes déplacées internes. Conformément à l’article 18 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, dès la phase de la signature de la Convention de Kampala, ces États s’obligent à s’abstenir de toutes actions susceptibles de mettre à mal l’objet et les fins de ladite Convention. La ratification étant l’acte formel par lequel les États s’obligent à exécuter les engagements contenus dans cette Convention et à les insérer dans leurs législations nationales respectives, pour que ces États soient juridiquement engagés par la Convention de Kampala, ils doivent non seulement la signer, mais également la ratifier conformément à leurs procédures nationales.
[139] Voir, Nouvelles et analyses humanitaires du Réseau régional intégré d’information (IRIN), « La Convention de Kampala comble un vide juridique — Analyse », Kampala 28 octobre 2009, publication disponible en ligne sur :http://www.irinnews.org/fr/report/86786/afrique‑la‑convention‑africaine‑sur‑les‑d%C3%A9plac%C3%A9s‑comble‑un‑vide‑juridique‑analyse, page visitée le 13 septembre 2013.
[140] L’article 3 (2) (a) de la Convention de Kampala insiste également sur la mise en œuvre effective de cet instrument en énonçant que « Les États parties : incorporent les obligations de la présente Convention dans leur droit interne, par la promulgation ou l’amendement de la législation pertinente relative à la protection et à l’assistance aux personnes déplacées, en conformité avec leurs obligations en vertu du droit international ».
[141] Dans ce sens, les lois et politiques relatives à la protection des personnes déplacées doivent donc être revues dans un nombre important de domaines tels que l’état civil, le logement, le droit foncier et le droit à la propriété, l’accès à l’éducation, au travail, à la santé. Sur ce point, voir Document de l’ECOSOCC de l’UA, Rendre la Convention de Kampala opérationnelle pour les personnes déplacées, op. cit., p. 27.
[142] C’est à ce juste titre que, Zachary Lomo, parlant de la CIRGL affirme que le principal problème auquel font face les personnes déplacées internes en Afrique n’est pas l’absence de lois, mais plutôt « l’absence de systèmes nationaux robustes et d’un fort engagement local et international pour faire respecter les normes internationales existantes ». Voir dans ce sens, Lomo (Z.), « Regional or national protection for Great Lakes IDPs ? », RMF Numéro spécial, décembre 2006, article disponible en ligne sur : http://www.migrationforcee.org/pdf/Brookings/14.pdf, page visitée le 13 septembre 2013.
[143] Sur la liste des onze États membres de la CIRGL, voir nos développements antérieurs supra note 72 de cette présente contribution.
[144] Idem.
[145] Article 14 (1) de la Convention de Kampala.
[146] Voir article 14 (4) Convention de Kampala.
[147] Idem. Sur les mécanismes de fonctionnement du MAEP, voir nos développements ultérieurs dans le Chapitre suivant de ce présent Titre.
[148] Cournil (C.), L’émergence d’un droit pour les personnes déplacées internes, op. cit., p. 18.
[149] Voir Barega Birganie (A.), « An African Initiative for the Protection of the Rights of Internally Displaced People », Human Rights Law Review, Vol. 10, Issue 1, 2010, p. 179-190.
[150] Ibid., article 8 (3).
[151] Ibid.,article 14 (3).
[152] Voir préambule et articles 2 (e), 3 (2) (b), 4 (3), 5 (6), 5 (7), 8 (3) (c), 8 (3) (d), 9 (3), 11 (3) de la Convention de Kampala.
[153] Même si aucun mécanisme explicite n’est prévu par la Convention pour permettre à la société civile de fournir des informations pertinentes à cette Conférence des États parties.
[154] Voir le Conseil économique, social et culturel de l’UA. À l’échelle régionale, les activités des OSC pourraient inclure par exemple, l’examen par les membres de l’ECOSOCC (lui-même composé de 150 OSC) des questions relatives à la mise en œuvre de la Convention de Kampala lors des réunions de l’ECOSOCC préalables aux Sommets ordinaires de l’UA. Dans ce sens, le groupe sectoriel sur les Affaires politiques du Comité de l’ECOSOCC peut jouer un rôle particulier pour garantir que les observations des OSC sur la mise en œuvre de la Convention de Kampala sont incluses, d’une part, dans le rapport annuel que l’ECOSOCC présente à l’Assemblée générale de l’UA et, d’autre part, dans les déclarations du Président de l’ECOSOCC au Conseil exécutif et à l’Assemblée lors des deux sommets ordinaires annuels de l’UA. Voir Document de l’ECOSOCC de l’UA, Rendre la Convention de Kampala opérationnelle pour les personnes déplacées, op. cit., p. 29.
[155] Le CCAR (Comité de coordination pour l’assistance et la protection des réfugiés, rapatriés et des personnes déplacées internes) de l’UA offre également une plateforme de suivi et d’appui à la Convention de Kampala dans la mesure où il constitue un organe consultatif auprès du Sous-comité du COREP (Comité de Représentants Permanents) chargé des réfugiés, des rapatriés et des personnes déplacées internes. Les OSC peuvent donc utiliser le CCAR comme mécanisme pour porter à la connaissance du Sous-comité du COREP des questions relatives à la Convention de Kampala. Étant donné que le COREP rend compte au Conseil exécutif de l’UA, le CCAR peut offrir également un mécanisme indirect pour que les OSC mettent des questions relatives à la Convention de Kampala à l’ordre du jour du Conseil exécutif de l’UA. Ibid., p. 29.
[156] Comme mentionné ci‑dessus, la Convention de Kampala à travers son article 14 (4) place la Commission ADHP et surtout son Rapporteur spécial sur les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées et les migrants au centre du suivi du respect de la Convention et de la protection des droits des personnes déplacées. Ce rôle était déjà rappelé par la résolution adoptée lors de la 36e séance ordinaire de la Commission ADHP à Dakar, au Sénégal, le 7 décembre 2004. Il a ensuite été réitéré tout récemment à l’occasion de la 52e Session ordinaire de la Commission ADHP à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, du 9 au 22 octobre 2012. Voir dans ce sens : http://www.achpr.org/files/sessions/52nd/inter‑act‑reps/activity_report_refugee_asylum_seekers_fr.pdf, page visitée le 15 septembre 2013.
[157] Après l’examen par la Commission ADHP du rapport de l’État partie, la Commission pourrait publier ce qu’il est convenu d’appeler des « observations conclusives » (voir dans ce sens, Document de l’ECOSOCC de l’UA, Rendre la Convention de Kampala opérationnelle pour les personnes déplacées, op. cit., p. 23). En règle générale, les documents de ce type reprennent les mesures positives prises par le gouvernement concerné, de même que les points laissant à désirer ainsi que les recommandations émises à l’adresse des autorités de l’État en vue d’une action future. De ce qui précède, on peut valablement affirmer que les OSC africaines ont donc un rôle clé à jouer dans le suivi des observations conclusives et dans la surveillance du respect par les États des recommandations de la Commission.
[158] Les huit Communautés économiques régionales (CER) en Afrique peuvent constituer des plateformes régionales pour le suivi de la mise en œuvre de la Convention. À travers leur expertise technique, les OSC pourraient donc encourager les CER à demander à leurs États membres de présenter un rapport périodique sur les mesures législatives ou les politiques qu’ils ont prises en vue de donner effet à la Convention lors des assemblées ordinaires.
[159] Créé en 2004, le Parlement panafricain fonctionne désormais comme un organe consultatif de l’UA. Il devrait toutefois évoluer dans un avenir proche en un organe doté de pouvoirs législatifs. Les membres du Parlement panafricain sont actuellement élus par les États membres. Deux des commissions permanentes du Parlement panafricain sont particulièrement pertinentes par rapport à la Convention de Kampala : la Commission des affaires juridiques et des droits de l’homme (dont les missions incluent la promotion du respect des droits de l’homme) et la Commission de la coopération, des relations internationales et du règlement des conflits. Les OSC peuvent donc faire pression sur les différents membres du Parlement panafricain pour veiller à ce que ceux‑ci encouragent les parlementaires et les commissions parlementaires nationales à prendre des mesures législatives pour rendre les lois internes conformes à la Convention de Kampala, en vertu de l’obligation des parlements d’élaborer et d’adopter des lois.
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